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Chapitre 10

J’observai Mlle Parker qui avait pris place sur le sofa et se massait les tempes avec énergie. Ses voix semblaient accaparer son esprit plus qu’à l’habitude. Je ne lui posai néanmoins aucune question, sachant à l’avance que je ne ferai que l’agacer. Elle n’aimait pas se confier, encore moins lorsqu’il s’agissait d’un psychologue. Cela dépendait de ses humeurs et aussi de la façon dont elle me considérait. Elle pouvait aussi bien discuter avec l’ami un moment puis se refermer complètement dès qu’elle recommençait à me percevoir comme le médecin. Il lui faudrait du temps avant d’évoluer dans un sens plus positif.

La porte s’ouvrit dans un fracas terrible qui en fit trembler les murs. Mlle Parker ne sursauta même pas, bien trop imprégnée dans ses pensées les plus profondes. Il s’agissait bien évidement de Broots qui revenait peut-être avec quelques informations intéressantes.

“Alors là, je n’y crois pas ! Ca fait cinq ans qu’elle travaille ici, cinq ans qu’elle raconte tous les potins du Centre à n’importe qui et là… Le jour où on lui demande son aide, madame n’a rien remarqué !’’, s’exclama Broots d’une voix qui se voulait colérique.

“A quoi vous attendiez-vous Broots ? Elle a dû recevoir des ordres.’’, déduisit Parker, s’adossant au mur en croisant ses bras sur sa poitrine.

“Oui… M’enfin, quand même… On mange souvent ensemble le midi…’’, marmonna-t-il en reprenant place devant son ordinateur.

“Vérifiez dans l’aile de renouvellement.’’, lui dit-elle en s’asseyant à ses cotés.

“L’aile de renouvellement ? Mais pourquoi ?’’, questionna-t-il, visiblement perdu.

“Peut-être notre mystérieux inconnu est-il un patient de Raines, retenu contre sa volonté.’’, répondis-je à sa place, comprenant ce à quoi elle pensait.

“D’accord, on va voir ça…’’, commença-t-il avant de martyriser son clavier. “Mais… S’il est prisonnier, comment a-t-il pu venir jusqu’au bureau de Mlle Parker ?’’

“Il y a bien des manières de retenir une personne Broots.’’, rétorqua Parker.

“Il y a en effet une entrée… Elle date d’il y a trois semaines.’’, nous informa Broots.

“Description.’’, exigea Parker d’une voix grave.

“Euh.. Attendez… Ils doivent bien avoir une photo tout de même…’’

“Dépêchez-vous Broots !’’, s’impatienta ma collègue, serrant les poings.

“Non, il n’y a rien du tout, pas même une caméra…’’, soupira-t-il, imaginant déjà le sort qu’allait lui réserver sa patronne.

“Vous avez bien une salle ?!’’, s’exclama-t-elle, non loin de nous faire une crise de nerfs.

“Calmez-vous Parker, vous savez bien que Broots fait de son mieux.’’, lui assurai-je en posant mes mains sur ses épaules.

“Ils gardent son dossier secret, il faudrait que j’aille dans le bureau de Raines pour obtenir le mot de passe et y parvenir.’’, nous précisa l’informaticien, conscient de l’importance de cette affaire pour Mlle Parker.

“Non, ils se méfient bien trop de nous depuis notre retour. Entre notre absence injustifiée et la disparition du corps du Major Charles, ils doivent nous avoir à l’oeil. Je… Détournez les caméras comme vous l’avez fait pour Fenigor, je vais aller y faire un petit tour.’’, lui demanda-t-elle avec plus de douceur.

“Parker, vous n’y pensez pas ! Vous venez vous-même de nous dire que nous étions surveillés !’’, voulus-je la résonner, sans trop d’espoir néanmoins.

“Sydney, c’est le seul moyen de savoir ce à quoi cette personne faisait référence.’’, se défendit-elle en brandissant le morceau de papier.

“Ou peut-être que cette seule phrase contient la réponse à la question qu’elle nous fait nous poser.’’, lui signifiai-je, presque résigné.

“Sydney, tant de chose manquent dans ma vie, tant de personnes ont disparu… Comment voulez-vous que je sache de quoi il s’agit ?’’, m’exhorta-t-elle d’une voix tremblante.

“N’oubliez pas votre don, peut-être vous donnera-t-il des indices. Ne vous sentez pas obligée de courir des risques à chaque fois que vous recherchez une piste Mlle Parker. Contrairement à ce que vous semblez croire, les Parker ne sont pas tous immortels…’’, soupirai-je, légèrement anxieux.

“Vous faites allusion à ma mère ou à moi ?’’, questionna-t-elle, par défi ou par tristesse, je ne pus le dire.

“Je ne veux que votre sécurité Parker, ni plus, ni moins.’’, lui affirmai-je en m’efforçant de lui paraître amical, voire paternel.

“Alors accompagnez-moi Sydney.’’, dit-elle soudain, me prenant au dépourvu.

“Et bien… Vous avez raison, peut-être vous serai-je utile une fois là-bas. Broots, êtes-vous prêt ?’’, m’informai-je alors que Mlle Parker quittait déjà la pièce.

“Je ne pourrai vous accorder que treize minutes.’’, m’annonça-t-il sans lever les yeux une seconde.

“Parfait, appelez-moi sur mon portable au moindre souci.’’

“D’accord. Bonne chance.’’, me souhaita-t-il, aussi bien qu’à Parker j’imaginais.

“Merci.’’, répondis-je en me dépêchant de rattraper la jeune femme qui se trouvait déjà hors de ma vue.

***

“Ecoutez vos voix Mlle Parker, je suis persuadé qu’elles vous guideront.’’, lui assurai-je en longeant le mur, tout comme elle.
“On voit bien que ce n’est pas vous qui les entendez…’’, me dit-elle avec cynisme. “Il y a des moment où elles peuvent être précises mais d’autres où elles ne forment qu’un brouhaha qui me donne la migraine…’’, soupira-t-elle en plissant les yeux.

“De quel coté allons-nous ?’’, demandai-je en arrivant à un croisement.

“Hey, je vous l’ai dit, je ne suis pas un GPS !’’, s’exclama-t-elle avec agacement.

“S’il vous plaît, gardez votre calme, c’est le seul moyen de vous concentrer.’’, la priai-je, de peur que nous nous fassions repérer.

“On est au Centre ici, comment voulez-vous que je reste zen alors qu’on peu se faire décapiter et oublier en moins de 10 secondes ?!’’, me rétorqua-t-elle avec agacement avant de fermer les yeux un instant. “Par là !’’, indiqua-t-elle, peu convaincue.

Nous tournâmes sur notre gauche, marchant d’un pas rapide dans le couloir clair. Le contraste entre cette aile et les souterrains dans lesquels se trouvaient nos bureaux était pour le moins saisissant. Ceux-ci étaient neufs, parfaitement éclairés et ressemblaient bien plus à un incommensurable labyrinthe. Les portes se succédaient les unes aux autres, parfois ornées d’une sorte de hublot par lequel il nous arrivait d’observer d’étranges patients. Je n’osais même pas imaginer les projets auxquels Raines s’adonnait ici en silence, à l’abri de tout soupçon.

Parker s’arrêta brusquement devant une porte, observant par la petite lucarne. La pièce semblait être relativement sombre mais elle avait aperçu quelqu’un. Je m’approchai à mon tour, jetant un coup d’œil après elle. Sans un mot, nous nous accordâmes sur le fait qu’il s’agissait sans aucun doute de la personne qui apparaissait sur la bande vidéo. Elle portait une sorte de pull noir avec une capuche, ce qui lui avait permis de dissimuler aisément son visage, quelques heures plus tôt.

“Allons-y.’’, l’invitai-je en posant la main sur la poignée.

“Attendez…’’, m’arrêta-t-elle avant que n’ouvre la porte.

“Vos voix ?’’, m’inquiétai-je en la voyant se figer sur place.

Elle hocha de la tête, le regard incroyablement vide. Debout devant moi, elle tanguait légèrement sur ses pieds, comme si elle était sur le point de s’effondrer. Sa respiration était courte et elle ne clignait même plus des yeux, hypnotisée par les pensées qui devaient assaillir son esprit.

Je posai ma main sur la sienne, soucieux de son état, essayant de sentir son pouls. Ce que je découvris me laissa sans voix, pas un battement, je ne sentis pas la moindre réaction en maintenant son poignet. Elle me fit penser à un spectre, elle était là, bien vivante devant mes yeux mais je ne pouvais pas le prouver. Rien ne me permettais d’assurer qu’elle était consciente, plongée dans un coma profond ou… Elle secoua la tête, me faisant sursauter comme jamais auparavant.

“Mlle Parker ? Est-ce que vous allez bien ?’’, l’interrogeai-je, à la limite de l’angoisse.

“Parfaitement bien.’’, me rassura-t-elle en serrant ma main, toujours posée sur la sienne. “Cette… Alliance…’’, fit-elle, hésitante.

“Oui ? Qu’y a-t-il ?’’

“Je sais qui est cette personne, celle qui a disparu mais est toujours là… Mon pè… Mr Parker, il m’avait dit qu’il était très difficile de tuer un Parker, il parlait de la lignée. Ma mère ne faisait pas partie de la malédiction, mais Raines, Lyle, moi… Nous sommes tous passés près de la mort et nous n’en sommes revenus que plus forts.’’, m’expliqua-t-elle, toujours aussi instable sur ses pieds.

“Mr Parker n’est pas mort n’est-ce pas, c’est lui qui se trouve dans cette pièce et qui vous a donné ce morceau de papier.’’, compris-je après réflexion. “De plus, il n’a jamais retiré son alliance.’’, ajoutai-je, comme pour valider ma théorie.

“Exactement.’’, acquiesça Parker en entrant dans la pièce.

“Je vous laisse y aller seule.’’, lui dis-je en voulant m’écarter mais elle entoura mon bras du sien.

“J’ai besoin de vous Sydney, ne me quittez pas maintenant.’’, me supplia-t-elle presque, à tel point que je crus discerner de la détresse dans son regard.

Je lui fis un signe de tête, lui accordant cette faveur sans trop de difficulté. Il était rare que Parker vous demande de l’aide ou ne serait-ce qu’une présence. Je savais que si elle avait le courage de le faire, c’était qu’elle avait vraiment besoin de moi. Je ne comptais pas lui faire défaut et l’abandonner au beau milieu d’une telle épreuve.

Nous entrâmes côte à côte mais je restai à l’écart, afin qu’elle agisse comme bon lui semblait. Tout doucement, elle s’avança vers ce corps sans vie, immobile et silencieux.

“Papa ?’’, l’appela-t-elle alors.

J’haussai un sourcil, surpris qu’elle opte pour le coté affectif de leur relation. Elle s’approcha davantage, jusqu’à poser sa main sur son épaule.

“Papa, c’est… toi ?’’, questionna-t-elle, encore hésitante.

“Je ne suis pas lui, lui n’est pas moi.’’, répondit-il comme affolé.

Il se retourna brusquement, la fixant dans les yeux. Ses pupilles étaient dilatées, il avait un air ahuri, effaré. Mlle Parker inclina la tête, elle aussi étonnée par cette réaction brutale. Elle lui présenta ses mains, comme si elle se rendait, voulant le rassurer le plus possible.

“Papa, c’est moi, ton… Ange. Est-ce que, est-ce que tu me reconnais ?’’, continua-t-elle cependant.

“Vous lui ressemblez tant… Cette renaissance, vous êtes l’avenir et le passé, l’ancien et le renouveau…’’, dit-il en effleurant son visage du bout de ses doigts tremblants.

Il avait une manière de parler si détachée, il semblait ailleurs, totalement différent. Quelque chose avait dû lui arriver et il n’y avait peu de doute quant à l’instigateur de ce soudain changement de personnalité. Parker paraissait désarmée, complètement déstabilisée devant cet homme qu’elle ne reconnaissait plus.

“Le renouveau ?’’, répéta-t-elle en un murmure.

“L’enfant n’a plus son pouvoir, l’Elue a toute sa force… Tout est perdu… La vie est gagnée…’’, annonça-t-il encore, sans que Parker ou moi ne comprîmes quoi que ce soit.

“Papa… Qu’est-ce que tu veux dire ?’ Où est l’enfant ? Où est mon petit frère ?’’, questionnait-elle, encore et encore. “Répond-moi ! Où est-il ?’’ s’emporta-t-elle, saisissant son col avec vigueur et le secouant comme un prunier sans qu’il ne se débatte.

“Du calme Parker, vous voyez bien qu’il a dû subir un traitement spécial de la part de Mr Raines !’’, l’arraisonnai-je avant qu’elle ne commette une erreur malheureuse.

“J’ai… J’ai l’impression d’avoir toutes les pièces d’un puzzle sans savoir ce qu’il doit représenter… J’ai les angles, le contour mais l’intérieur n’est qu’un mélange de couleurs sans aucun sens !’’, se lamenta-t-elle en tournant en rond.

“Nous trouverons les réponses Parker, nous sommes tout près du but, il suffit de tout observer attentivement.’’, lui affirmai-je avec douceur.

“Le bébé… La clé du pouvoir… Raines a perdu le pouvoir et l’influence… Il savait, il ne sait plus… Il a su, il a perdu… Mais Billy l’a appelée Douvres…’’, continuait-il, assis sur le bord du lit et se balançant d’avant en arrière comme le faisaient fréquemment les autistes.

“Il veut nous dire quelque chose, il faut juste éclaircir la masse d’informations qu’il nous donne.’’, expliquai-je à Parker qui observait sa montre.

“Oui, et bien vous ferez ça dans votre bureau, on doit filer maintenant !’’, lança-t-elle en ouvrant la porte et m’indiquant la sortie.

J’allais m’éloigner lorsque Mr Parker se jeta sur moi, m’obligeant à me retourner. Ses yeux étaient grand ouverts et me fixaient intensément, révulsés, ils étaient prêts à sortir de leurs orbites. Son regard, je devais bien l’avouer, me donna froid dans le dos.

“1717, 244 Kent Street ! 1717 !! Billy l’a appelée comme l’anglaise !’’, me cria-t-il avec une force effrayante.

“Que voulez-vous dire M. Parker ? Je ne comprends pas…’’, lui demandai-je sans grand espoir.

“Sydney !’’, insista Parker, surveillant l’extérieur.

“Je viens.’’, dis-je en quittant le pauvre homme qui était retourné sur son lit pour adopter la position fœtale.

Qu’importait ce que lui avait fait Raines, il lui avait ôté toute raison. Tout ce qu’il nous avait dit n’était pour nous qu’un joyeux mélange de mots sans signification. Remettre de l’ordre dans ses révélations ne serait pas de tout repos.

***

Parker déposa soigneusement la boîte contenant les rouleaux sur la table de son salon. Tout le monde attarda son regard sur celle-ci durant plusieurs secondes avant de le reporter sur la jeune femme et sur moi.

Jarod fit un pas dans la direction de Parker et celle-ci se blottit dans ses bras, Broots et moi restâmes bouche bée. Je m’étais toujours rendu compte de l’alchimie qui régnait entre ces deux êtres mais jamais je n’avais imaginer Parker céder la place à ses sentiments. Ou du moins, agir aussi naturellement avec Jarod, juste sous nos yeux, sans y porter attention un seul instant. C’était si réconfortant de la voir profiter sans aucune retenue de l’amour qu’il lui offrait. Ils le méritaient tout les deux, ils avaient mis tant de temps à trouver ce bonheur.

Nous nous installâmes tous au salon, moi, Broots et Gemini sur le sofa, Ethan sur l’un des fauteuils et Jarod dans le second. Parker avait pris place sur ces genoux. C’était étrange pour moi de les retrouver ainsi, leur comportement l’un envers l’autre avait considérablement changé, en très peu de temps. Quoique, celui de Parker avait déjà commencé à évolué dès son retour de Carthis, je l’avais trouvée plus… soucieuse, préoccupée par l’avancement des recherches de Lyle, les endroits où se trouvait Jarod. Mais il n’y avait de rien de bien concret, du moins, pas autant qu’aujourd’hui.

“J’ai appris quelque chose d’inquiétant Parker.’’, annonça alors Jarod d’une voix solennelle.

“Quoi ?’’, fit-elle, sans perdre ses fameuses habitudes.

“Eldumba, l’homme qui nous a donné des explications sur l’origine des rouleaux…’’, précisa-t-il pour nous. “Son corps a été retrouvé il y a quelques heures, avec plusieurs coups de couteau portés à l’abdomen.’’, nous informa-t-il, son regard s’assombrissant.

“Ils ont dû découvrir qu’il nous a parlé.’’, supposa Parker, baissant la tête.

“Mais alors, vous êtes en danger, non ?’’, s’inquiéta le jeune Gemini.

“Je ne crois pas, les rouleaux en notre possession, ils sont notre bouclier.’’, assura Parker, devançant Jarod qui lui adressa un sourire. “Bon… Je… Je dois vous parler de quelque chose. Ou plutôt de quelqu’un.’’, commença-t-elle ensuite.

Elle se redressa quelque peu, toujours sur les genoux de Jarod, et s’éclaircit la gorge. Elle semblait préoccupée et ce sentiment n’échappa à personne dans la pièce. J’étais moi-même convaincu qu’elle nous cachait certains aspects de l’affaire, sans trop savoir quoi. Elle se mordillait légèrement la lèvre inférieure, comme se sentant coupable d’une quelconque, comportement surprenant et pour le moins inhabituel de la part de la collègue que je côtoyais chaque jour.

“C’est grave ?’’, s’enquit Jarod, penchant le visage pour mieux voir celui de la jeune femme au dessus de lui.

“Je ne sais pas exactement. Il s’agit de mon… demi-frère. Je pense que Raines et Lyle le retiennent quelque part mais je ne sais pas où encore.’’, nous apprit la jeune femme, le visage consterné. “Et… L’homme qui a glissé le mot sous ma porte c’est… M. Parker.’’, ajouta-t-elle avec plus de difficulté.

“Quoi ?’’, s’étonna Jarod, tout aussi surpris que Broots ou ses demi-frères.

“Oui, Raines a dû le retrouver et pour une raison que j’ignore, il le retient dans l’aile de renouvellement. Je lui ai parlé, il a aussi fait référence à cet enfant. Nous devons le retrouver.’’, nous supplia-t-elle presque, scrutant chacun de nous pendant de longues secondes.

“Mais par où commencer ?’’, questionna Jarod.

“M. Parker a essayé de nous transmettre un message mais je ne l’ai pas vraiment compris.’’, dis-je en réfléchissant à ses derniers mots. “Il a parlé d’un Billy qui l’avait appelée comme l’anglaise. Il a aussi donné une adresse… 234…’’, me remémorai-je avec difficulté.

“244 Kent Street. Il a aussi ajouté 1717.’’, compléta Parker bien que je croyais qu’elle ne l’avait même pas écouté.

“Billy, peut-être voulait-il parler de Raines, Billy étant le diminutif de Wiliam.’’, suggérai-je alors Jarod était déjà en train d’y réfléchir.

“1717, je pense qu’il s’agit d’une année.’’, hasarda Jarod, à haute voix. “Le problème, c’est qu’une adresse sans le nom d’un ville, ça ne nous mène pas bien loin.’’

“Alors ce qu’il nous a dit doit être sa manière de nous communiquer le nom de cette ville, par éliminations, je suis sûr que tu trouveras.’’, l’encourageai-je.

Il fit signe à Parker qu’il souhaitait se lever alors elle prit sa place dans le fauteuil. Son compagnon s’empara de l’ordinateur portable et commença à taper sur le clavier pendant que Broots se penchait au dessus de son épaule.

“Ce ne serait pas l’année où Dover a été construite ?’’, proposa mon collègue en se grattant le dessus du crâne.

“Il l’a appelée comme l’anglaise…’’, répétai-je tout bas.

Il effectua des recherches pendant un moment, tentant d’établir des relations entre ces informations. Mlle Parker se leva à ce moment-là et disparut dans la cuisine, préférant les laisser à leurs occupations. Je les observai tous les deux, animés par cette même passion de l’informatique. Une fois qu’ils commençaient des recherches sur ces engins trop sophistiqués pour Parker et moi, ils obtenaient chaque fois des résultats plus que convaincants. Il suffisait simplement de patienter, ce qui était loin d’être le fort de Mlle Parker.

Quand celle-ci fut de retour, ce fut pour nous apporter des tasses de café bien chaud. Je me demandai un instant s’il s’agissait bien de la même personne avec laquelle je travaillais depuis plusieurs années. La seule fois où elle avait agit ainsi, c’était quand ce Mr Michael Patrick s’était servi d’elle, sous les ordres de Mr Raines, pour obtenir des informations sur Jarod. Mais aujourd’hui, rien ne laissait croire que quelqu’un tentait de la doubler, et bien mal lui en prendrait.

Mon regard s’attarda ensuite sur Gemini, le clone de Jarod qui était d’ailleurs plus un frère pour lui. Il paraissait absorbé dans sa contemplation, fixant le travail de Jarod sur l’écran d’ordinateur. Pour le peu que j’avais parlé avec lui, il me semblait aussi intelligent et rusé que Jarod, lui aussi avait un avenir prometteur. Je ne pouvais pas m’empêcher de l’imaginer suivre les traces de son « frère », désirant retrouver sa sœur et sa mère. Adoptive ou non, durant leurs explications précédentes, ils m’avaient eu l’air très attachés à elle, outrepassant les « formalités » de la biologie.

Quand j’étais entré dans la maison de Parker, quelques heures plus tôt, accompagné de Broots, j’avais été surpris de voir Jarod, Ethan et Gemini. Ils étaient tous les trois réunis, trois êtres issus du même père, peut-être, mais tous frères. C’était ce qui leur importait. Ils m’avaient expliqué leurs découvertes, l’histoire des rouleaux, la venue de Margaret et d’Emily… Broots et moi les avions écoutés avec beaucoup d’intérêt, persuadés que nous étions hors de la réalité, mais bien sûr, il n’en était rien.

“Mais bien sûr ! J’y suis !’’, s’exclama Jarod soudainement sous nos regards intrigués. “Dover est le nom que Wiliam Penn a donné à la capitale de l’Etat du Delaware en l’honneur de la ville anglaise du même nom : Douvres.’’

“Et ce en 1717.’’, souligna Broots, affichant un petit sourire de fierté.

“Et bien, moi qui croyais que mon père avait perdu la boule… En fait, il est juste un peu… Emmêlé.’’, conclut Parker en se redressant sur son fauteuil.

Jarod se leva pour venir plus près de Parker, il s’agenouilla même devant elle. Mal à l’aise durant une seconde, elle ne se refusa pas à le dominer du regard, se grandissant un peu plus au dessus de lui. C’était tout elle, il fallait toujours qu’elle contrôle tout, y compris l’homme qu’elle aimait. C’était un moyen de se rassurer, de monter qu’elle n’était pas faible. Ainsi, elle trahissait pas les valeurs et les comportements que lui avait inculqués son père, qu’elle le fasse consciemment ou non elle agissait comme lui. Jamais elle ne pourrait renier cette sorte d’héritage. Tout comme elle ne pourrait non plus refuser d’admettre qu’elle possédait ce trait qui caractérisait les descendants de Mr Parker, cette force et cette prestance naturelle, ce charisme.

En toute circonstance, elle savait contenir ses émotions –enfin, en général- et ceci pour être un don comme un défaut. Tout dépendait des situations et celle-ci était importante, elle devait y faire fasse avec détermination et détachement pour agir au mieux.

Jarod et elle n’échangèrent qu’un regard et se comprirent instantanément. La parole était devenue tout à fait inutile pour ces deux êtres, nous tous ici l’avions saisi. Nous les observions, mi-admiratifs, mi-envieux. Les liens qu’ils avaient tissés au cours de ces trente dernières étaient tout à fait visibles aujourd’hui mais aussi puissants qu’indéfectibles aussi.

“Ton demi-frère doit être là-bas !’’, lança Jarod, Parker se mettant debout dans le même mouvement que lui.

“Nous y allons tous les deux.’’, ajouta-t-elle avant de s’avancer près de sa commode pour sortir un chargeur plein du second tiroir.

“Sydney, je compte sur vous pour prendre soin de tout le monde et nous appeler au moindre souci.’’, me demanda Jarod en me regardant droit dans les yeux.

Je hochai de la tête en un demi-sourire, il savait pourtant pertinemment qu’il n’avait même pas besoin de me poser la question. Il se retourna ensuite vers Broots qui but littéralement ses paroles.

“S’il vous plaît, suivez la piste que j’ai dégotée sur ma mère et ma sœur.’’, l’implora-t-il en désignant l’ordinateur. “Faites tout ce que vous pouvez.’’

“Je vous le promets, dès… dès que j’ai avancé, je vous préviens.’’, lui jura l’informaticien, rentrant déjà sa tête dans ses épaules, décidément, il ne changerait jamais.

Jarod et Parker nous adressèrent un dernier sourire avant d’enfiler leurs vestes pour disparaître de la maison. Ils partaient sans rien prévoir, sans même imaginer un plan… Je ne trouvais pas cela prudent mais je n’y pouvais rien, c’était Jarod et un génie ne commettait des erreurs que très rarement. Donc Parker était plus en sécurité avec lui qu’avec n’importe qui d’autre sur Terre.

***

Chapitre 11

J’appuyai ma tête contre la vitre de la voiture, observant les lumières extérieures qui défilaient devant mes yeux. Les unes après les autres, elles s’éteignaient peu à peu, cédant la place à une nuit sombre et froide. Je ne savais pas depuis combien de temps nous n’avions pas prononcé un mot Jarod et moi. Quelques jours auparavant, j’avais trouvé la force de briser cette carapace qui m’enfermait et m’empêchait de vivre mes sentiments comme j’aurais dû le faire bien plus tôt. Désormais, je n’osais pas plus les assumer… J’étais comme gênée, hésitante, prête à reculer quand Jarod s’approchait de moi. Et tout ça sans vraiment le vouloir, car au fond de moi, j’aimais tellement qu’il s’empare de ma main, qu’il dégage mes cheveux de mon visage, qu’il me sourie franchement…

Je soupirai, pestant contre moi-même, rageant de ce manque de courage. Moi, Parker, incapable d’agir comme elle l’entend. Je m’en voulais d’être aussi… faible. Oui, c’était à cette phrase que la « faiblesse » correspondait réellement. J’avais la faiblesse de résister à tout ce que Jarod voulait m’offrir, de nier tout le bien qu’il m’apportait. L’erreur n’était donc pas de suivre mon cœur et de me fier à mes émotions comme je m’étais efforcée à le croire pendant des années.

“Jarod ?’’, l’appelai-je doucement.

“Oui ?’’, fit-il en détournant son regard de la route pendant une seconde.

“Tu penses qu’un jour je pourrai être comme tout le monde et vivre une vie normale ?’’, lui demandai-je avec une sorte d’appréhension.

“Vivre une vie normale, j’en suis sûr. Mais être comme tout le monde, jamais.’’, commença-t-il, tout en tournant au carrefour.

“Qu’est-ce que tu veux dire ?’’, je fronçai les sourcils.

“Que pour moi tu es unique, et personne ne pourra jamais te remplacer.’’, expliqua-t-il avec une simplicité déconcertante. “Parker, tu es l’Elue, dans tous les sens du terme.’’, me fit-il remarquer en souriant.

“Tsss… N’importe quoi !’’, me moquai-je en lui frappant l’épaule.

“Tout ce que je souhaite, c’est t’offrir la vie dont tu rêves. Je ferai tout ce qui est possible et imaginable pour te rendre heureuse, comme tu le mérites.’’, me confia-t-il pendant que je me décalai pour poser ma tête sur son épaule.

“Alors je te rassure, la seule chose dont j’ai besoin aujourd’hui, c’est ta présence à mes cotés.’’, lui avouai-je, déposant un baiser dans son cou.

“Je crois que je pourrai accéder à votre requête.’’, acquiesça-t-il, ses lèvres s’étirant davantage encore.

“Oui… Euh… J’aurais bien une autre réclamation…’’, me plaignis-je, faussement dérangée.

“Je t’écoute…’’, me répondit-il avec méfiance.

“Je sais que ça fait viril… mais bon… j’aimerais bien que le rasage soit fait plus régulièrement si tu vois ce que je veux dire.’’, exigeai-je, d’une voix autoritaire.

“Objection rejetée.’’, répliqua-t-il sèchement.

“Oh ? Ah oui ? Tu veux jouer à ça ?’’, le défiai-je, dégainant mon Smith&Wesson et faisant mine d’ôter le cran du sûreté.

“Bon, d’accord, je vais y réfléchir hein ! Faut pas s’énerver…’’, il riait, les yeux ne formant plus que deux petites fentes amusantes.

“J’aime mieux ça.’’, affirmai-je, rengainant mon arme d’un air sérieux avant de reprendre ma position initiale, tout contre lui.

“Redevenons sérieux une minute, il faut réfléchir à notre mode d’action.’’, conseilla-t-il en reprenant son calme.

“Je connais bien Dover, l’adresse indiquée se trouve juste à l’orée d’un bois.’’, lui annonçai-je en croisant les bras pour me réchauffer quelque peu.

“Quel meilleur endroit pour rester discret…’’, soupira-t-il sans grand étonnement.

***

Nous nous étions garés à l’écart, avançant tous feux éteints pour ne pas nous faire remarquer. Je fermai ma portière et rejoignis Jarod en prenant soin d’éviter les branches mortes qui jonchaient le sol. Il s’était penché et avait marché jusqu’à une petite haie pour observer les lieux.

“Devant, là-bas, il y a deux hommes dans une berline. Plus loin, au coin de la rue, il y a un second véhicule.’’, m’indiqua-t-il en les pointant de l’index.

“Hum… Et je vois aussi un autre homme derrière la maison.’’, ajoutai-je sous son regard admiratif. “Quoi ?’’, lui demandai-je sous son insistance.

“Non, je vois que tu te prends au jeu, c’est tout.’’, souligna-t-il avec amusement.

“Je m’en veux tellement…’’, marmonnai-je en baissant la tête pour contempler mes pieds.

“N’importe qui aurait eu la même réaction que toi dans ton cas. Tu n’as pas oublié ton frère, tu avais tant de problèmes et d’évènements à affronter simultanément.’’, me justifia-t-il avec une expression d’évidence.

“Mouais… Je crois que tu n’arriveras pas à me convaincre Jarod…’’, maugréai-je, pleine de remords.

“A ton avis, il y a combien de nettoyeurs dans la maison ?’’, me consulta-t-il, sachant que je connaissais aussi bien que lui les méthodes du Centre, sinon plus.

“Certainement trois au rez-de-chaussée et trois autres à l’étage.’’, supposai-je en observant la grande demeure à peine éclairée. “Rajoutes-en un pour s’occuper du bébé.’’, rectifiai-je ensuite.

Il se tut pendant plusieurs secondes, échafaudant intérieurement le meilleur plan d’attaque à adopter. De toutes façons, il n’y en avait pas cinquante étant donné que nous étions seulement deux, dont une seule personne armée. Je l’espionnais discrètement de manière à le voir en pleine action. En effet, je n’avais pas eu souvent l’occasion de le voir préparer ses coups, encore moins quand ils m’étaient adorablement destinés…

Je souriais, ce qu’il avait pu me mettre en rogne avec ses blagues idiotes et mesquines ! Entre les pieds collés au parquet avec sa colle à base poison pour cafards, me refiler la grippe ou encore m’enfermer avec Lyle dans un conteneur pendant toute une journée… Il m’en avait fait voir de toutes les couleurs, il avait vraiment dû se fendre la poire tout en mettant ses pièges au point et imaginant ensuite le résultat. Je devais bien avouer qu’il avait fait particulièrement preuve de créativité en me jouant ces très mauvaises plaisanteries. Si je n’en avais pas été la victime, j’aurais sûrement ri moi aussi, mais ce n’était pas le cas et je le lui avais fait plusieurs fois payer d’ailleurs.

“Attends-moi là, je reviens tout de suite.’’ , me dit Jarod en reculant, je dégainai mon Smith & Wesson, prête à riposter en cas de besoin.

Je tournai les yeux un instant, le suivant du regard par… mesure de sécurité. Il ouvrit le coffre de sa voiture et farfouilla quelques minutes dans le barda qu’il trimbalait avec lui. Il se rapprocha rapidement, un objet indiscernable dans la main. Et puis soudain, j’ouvris de grands yeux : il était rare de le voir une arme à la main.

“Je ne m’en sers qu’en cas d’extrême nécessité.’’, se défendit-il en contemplant son revolver.

“357 Magnum, je vois qu’on ne se refuse rien.’’, m’exclamai-je en reconnaissant l’objet.

“Chacun son truc, toi ce sont les Smith & Wesson, moi je préfère les armes que l’on tient bien en main.’’, me dit-il en me mettant la sienne sous le nez.

“Oh ! Excusez-moi mon cher ! Je favorise la précision et l’esthétique, tout simplement.’’, précisai-je en observant le dit objet.

Nous éclatâmes presque de rire, nous avions de ces conversations ! Je souriais toujours, ne le quittant pas du regard alors qu’il avançait vers l’arrière de la maison, certainement pour vérifier si le nettoyeur s’y trouvait toujours. Quand il revint vers moi, il dût remarquer que mon expression avait changé. Ce pourquoi il passa sa main entre mes cheveux et ma nuque, m’attirant vers lui afin de déposer un baiser sur mon front.

“Ne t’en fais pas, nous allons retrouver ton demi-frère.’’, me promit-il en me fixant droit dans les yeux.

“Jarod…’’, commençai-je avec hésitation. “On ne peut plus dire qu’il soit mon demi-frère étant donné que mon véritable père est…’’, je ne pouvais prononcer son nom.

“Oh… Je vois… Tu as raison.’’, acquiesça-t-il tout en réfléchissant.

“Et puis… Tu sais, mon père… Enfin, Mr Parker, il était presque stérile. Son sperme n’avait qu’une chance sur 100 de pouvoir féconder un ovule.’’, lui expliquai-je en me remémorant ce jour où Sydney m’avait annoncé cette nouvelle réjouissante.

“Tu en es sûre ?’’, demanda-t-il, dubitatif.

“Broots et Sydney ont fait des tests.’’, répondis-je avec dépit.

“Mais alors, à ton avis, qui est son père ?’’, s’enquit-il en réalisant ce que ces chiffres impliquaient.

“Tu en as de bonnes toi !’’, lui lançai-je, haussant les épaules. “Je te rappelle qu’avec le Centre tout est possible, absolument tout…’’, lui signifiai-je avant de tourner la tête.

“C’est une limousine.’’

“Au non, ça doit être Raines avec ses chiens de gardes.’’, soupirai-je. “On aurait dû agir dès qu’on est arrivé au lieu de perdre du temps à épiloguer sur ma famille ou les armes à feu…’’, lui fis-je remarquer en observant le lambeau de peau ambulant descendre du véhicule.

“Au contraire, ça va plus nous aider que nous desservir…’’, murmura-t-il en arborant cet air comploteur que je détestais tant auparavant.

“Vas-y, explique…’’, l’invitai-je, m’attendant à un plan des plus farfelus mais qui évidement fonctionnerait à merveille.

“Quoi de mieux que d’avoir un otage pour pousser des hommes à coopérer ?’’, questionna-t-il, plus pour la rhétorique qu’autre chose.

“Fais attention de ne pas lui flanquer une crise cardiaque, ça la foutrait mal de tuer notre monnaie d’échange !’’, l’avertis-je, plus cynique que jamais.

“Bon, dès qu’il sort de la limousine, je me jette sur lui. Toi, tu désarmes un nettoyeur et l’oblige à te mener jusqu’à l’enfant. Une fois que tu l’as dans tes bras, toi, Raines et moi, nous montons dans la voiture et on file.’’, m’annonça-t-il sans quitter le nouveau véhicule des yeux.

“C’est un peu… Simple non ?’’, trouvai-je en haussant un sourcil.

“Plus c’est simple, moins on a de risques de commettre des erreurs.’’, répliqua-t-il en s’approchant davantage encore.

“Et plus on en a d’oublier une éventualité…’’, marmonnai-je pour moi-même.

Nous restâmes silencieux, tapis dans l’ombre de la petite haie qui bordait le jardin. Les feuilles mortes volaient avec le vent, certaines venant se déposer dans mes cheveux. Seul une petite lanterne au dessus de la porte d’entrée diffusait une faible lueur sur le porche. Contrairement à moi qui appréhendais quelque peu les évènements qui allaient suivre, Jarod semblait parfaitement concentré. Peut-être réfléchissait-il finalement aux imprévus qui pourraient survenir durant notre petit intervention. Je priais pour qu’il n’oublie rien, mais peut-être était-ce sa manière de travailler parfois, en agissant sur le tas, par instinct. Etant un génie au Q.I. immesurable, il devait avoir envie d’un peu d’action, de se mettre en danger…

Je le sentis bouger à coté de moi, un genou au sol, l’autre soutenant son coude, il était prêt à courir au moment où il le faudrait. J’imaginais déjà la tête de Raines en nous voyant tous deux débarquer, arme au poing, et décidés à s’allier pour sauver un enfant qui n’était pas sensé représenter quoi que ce soit pour nous. Je levai la tête, apercevant l’objet de mes pires cauchemars enfin sortir de son interminable limousine.

Il n’avait pas encore déposé sa bouteille d’oxygène au sol que Jarod entoura son coup avec son bras, pressant son 357 magnum sur sa tempe. A peine s’était-il emparé de lui que j’enfonçai mon Smith & Wesson dans les côtes du nettoyeur qui avait ouvert sa portière. Je ne quittais pas Jarod des yeux, attendant la moindre instruction qu’il me donnait. Je n’avais pas l’habitude d’agir en fonction des autres mais là, je n’avais pas spécialement le choix. C’était le plan de Jarod et non le mien.

“Je vous conseille d’ordonner à vos nettoyeurs de se tenir tranquilles ou sinon, je ne réponds plus de rien.’’, grogna Jarod dans l’oreille du cadavre qu’il tenait contre lui avec un certain dégoût.

“Faites-moi monter !’’, ordonnai-je à l’homme que je maîtrisais. “Il tuera Raines sans aucune hésitation !’’, le menaçai-je en voyant qu’il ne bougeait pas.

Il s’exécuta enfin, me conduisant vers le salon où se trouvaient trois autres personnes. Une femme en tailleur sombre se leva du sofa, nous observant avec incompréhension. Je ne m’attardai pas plus, donnant un coup à mon otage pour le faire avancer. A chaque fois que nous passions devant une porte, je jetai un œil dans les pièces vides qui se succédaient.

Soudain, un coup de feu retentit. Je m’arrêtai brusquement, me demandant d’où il provenait. De l’extérieur ou d’une chambre au bout du couloir ? L’inquiétude m’étreignit le cœur, je pressai mon arme avec insistance sur la tempe de ma proie, l’obligeant à s’approcher de la fenêtre. En contrebas j’aperçus Jarod, il avait gardé exactement la même position qu’au moment où je l’avais laissé. Il n’était donc pas à l’origine de ce coup de feu. Je lui fis un signe de la tête pour lui faire comprendre que j’allais bien moi aussi.

Je continuai ma route, au second étage, dans la pénombre. Ma respiration se faisait difficile, je n’avais aucune idée de ce qui m’attendait réellement dans cette maison et le pire, comme le meilleur, pouvait se produire. Je poussai une dernière porte et me figeai dans l’entrée, la bouche entrouverte. Ma main se mit à trembler et je dus mettre toutes mes forces pour réussir à me contrôler et ne pas lui laisser l’occasion de me fausser compagnie ou de reprendre le dessus.

Lyle se trouvait là devant moi, un air mi-victorieux, mi dépassé imprimé sur le visage. Dans sa main se trouvait encore l’arme fumante qui lui avait permis de commettre l’irréparable. Je levai les yeux sur lui avec plus de rage qu’il n’en avait certainement jamais vue. L’envie folle de me jeter sur lui et de le défigurer me rongeait de l’intérieur et je peinais à me retenir.

“Bonsoir soeurette.’’, me lança-t-il enfin.

“Qu’est-ce que tu as fait ?’’, articulai-je difficilement.

“Je t’avais prévenue, tu ne devais rien tenter contre nous.’’, se contenta-t-il se répondre en enfournant son arme sous sa veste.

“Tu… Tu n’avais pas besoin de le tuer lui… C’est moi qui suis à l’origine de tout ça, il était innocent !’’, m’écriai-je, faisant tout pour retenir mes larmes.

“Qu’est-ce que tu en as à faire ? Dans ses veines ne coule pas notre sang !’’, s’exclama-t-il avec évidence.

“Notre sang ? Tu n’es même pas mon jumeau ! Tu ne comprends donc rien ?! Je n’ai pas de père, je suis un clone de maman et toi le fils de Raines !’’, essayai-je de lui expliquer, sans pouvoir détourner mon regard de ce corps sans vie.

“Et tu crois que tu me l’apprends.’’, rétorqua-t-il en venant vers moi.

“Reste où tu es ! Ne bouge plus !’’, lui intimai-je en brandissant mon Smith & Wesson dans sa direction, gardant toujours mon bras autour de la gorge du nettoyeur.

Il me gênait, je devais avoir toute emprise sur mon frère car il était un adversaire de taille qui n’hésiterait pas à me sauter dessus au moindre écart de vigilance. Je décidai finalement de l’assommer d’un coup de cross, me tournant vers Lyle pour le fixer droit dans les yeux. Il me présenta ses paumes, comme s’il était innocent, mais je n'avais pas la moindre envie de lui accorder sa rédemption. Il ne méritait aucun pardon.

“Si tu savais combien j’ai rêvé de ce jour.’’, lui confiai-je par défi.

“Celui où je te débarrasserais enfin de ton menteur et manipulateur de père adoptif ?’’, supposa-t-il en affichant un sourire idiot et mesquin.

Je tournai la tête vers mon père qui gisait par terre, un filet de sang coulant de sa bouche. Ses yeux était figés, froids et apeurés. Il était devenu fou, à cause de Raines, à cause du Centre. Lyle n’avait fait que profiter de l’occasion.

“Non, de celui où je pourrais enfin avoir une raison plus que valable de te loger une balle entre les deux yeux !’’, lui répliquai-je en resserrant l’étreinte sur mon revolver.

“J’adore quand tu me parles comme ça, quand tu joues les dominatrices.’’, m’envoya-t-il, ses lèvres s’étirant davantage encore, ne faisant qu’augmenter l’état de dégoût profond dans lequel je me sentais déjà.

Un frisson parcourut ma colonne vertébrale, venant mourir dans ma gorge, se terminant par un désagréable nœud. J’avais l’impression de ne plus avoir la moindre goutte de salive. Je balayai la pièce du regard, à ma gauche mon père crachai sa dernière respiration, à droite, un paravent m’empêchait de voir quoi que ce fût.

“Pourquoi ?’’, demandai-je en avançant très lentement.

“Raines a joué quelques jours avec lui mais n’a rien pu en tirer d’intéressant. Une lobotomisation ne nous a ensuite pas parue suffisante étant donné ce qu’il t’a révélé.’’, s’expliqua-t-il le plus tranquillement du monde, il croisa même ses bras sur sa poitrine comme si de rien n’était.

“Ce qu’il m’a révélé ?’’, répétai-je en comprenant que l’enfant était sûrement bien plus en danger désormais.

“Ne me dis pas que tu n’es pas là pour le bébé soeurette. L’amour fraternel n’est déjà pas ton fort, je vois que l’amour tout court ne l’est pas plus depuis la mort de Thomas.’’, remarqua-t-il en inclinant légèrement la tête pour se donner un air attristé.

“C’est ça ! Qu’est-ce que tu en sais toi d’abord ? Parce que si pour toi la définition de l’amour se résume à un sushi humain, merci… Très peu pour moi !’’, lui répliquai-je en continuant d’approcher.

“Ca se voit que tu n’as pas essayé, je te ferai goûter un jour, je suis sûr que tu apprécieras.’’, m’assura-t-il en faisant un pas dans ma direction.

Je m’arrêtai soudain, l’apercevant dans son berceau. Il était là, immobile et silencieux. Ce petit homme n’avait pas fait le moindre bruit depuis mon arrivée. Je m’inquiétai davantage encore de ne pas voir Lyle me barrer la route. Je voulus le rejoindre quand un son venant du couloir me fit sursauter. Je tournai la tête pour voir apparaître Raines, suivi de très près par Jarod.

“Parker ? Ca va ?’’, s’enquit immédiatement Jarod en voyant mon visage qui devait être blême.

“Euh… Je crois…’’, murmurai-je, une main sur le cœur.
Plus ça allait et plus je devenais fragile et sujette aux « frayeurs passagères et inutiles ». Il fronça les sourcils comme pour insister et je lui fis un signe de tête pour le rassurer. Raines, quant à lui, semblait en bien mauvaise posture. Le fait que sa bouteille d’oxygène ne le suivait pas ne m’avait évidemment pas échappé une seule seconde. Sa peau était encore plus blanche et ses yeux plus révulsés qu’à l’habitude. Une image plutôt… plaisante. Mais je préférai me concentrer sur Lyle, c’était lui la force agissante pour le moment.

“Tu as l’enfant ?’’, voulut savoir Jarod en s’arrêtant à ma hauteur.

“Il est juste là mais…’’, je ne pus terminer ma phrase car en rejoignant le berceau, j’avais remarqué qu’il ne respirait plus. “Qu’est-ce que tu lui as fait ?!’’, m’écriai-je en tâtant son pouls inexistant. “REPONDS ! QU’EST-CE QUE TU LUI AS FAIT ?!!!’’ hurlai-je en lâchant mon arme pour le prendre dans mes bras.

“Il ne nous était plus d’aucune utilité, la maladie l’a emporté, c’était en quelque sorte… Son destin.’’, annonça-t-il avec un détachement arrogant et déplacé.

Son petit corps sans vie reposait contre moi. Il était déjà froid et sa petite main repliée ne s’ouvrait même plus pour laisser passer mon index entre ses doigts. Ma vue s’était troublée de larmes, jamais je n’aurais pu imaginer qu’ils laisseraient un bébé mourir. Il n’avait même pas encore un an et c’était déjà une énième victime du Centre. Je ne parvenais même plus à articuler la moindre parole. Je ne voyais et n’entendais plus rien de ce qui se passait autour de moi.

“Son destin ?’’, entendis-je Jarod demander.

“Il devait…Rhhh… empêcher la fin de la malédiction et laisser Mlle Parker… Rhhh… dans l’ignorance. Nous avions tout mis au point pour que même… Rhhh… au cas où elle trouverait les rouleaux, rien… rien ne se produise.’’, expliqua Raines avec difficulté.

“Mais… Comment pouviez-vous savoir pour les rouleaux ?’’, s’étonna Jarod.

“Parce que vous croyez qu’en… Rhhh… sachant ce que ces écrits représentaient, j’allais la… la laisser tout détruire ?’’, s’énerva Raines.

“Vous saviez déjà tout ? Vous saviez que j’étais l’Elue ?’’, l’exhortai-je en revenant vers eux, l’enfant toujours dans mes bras.

“Pourquoi pensez-vous… Rhhh… que j’aie assassiné Catherine ? Pour mon bon plaisir…’’, répliqua-t-il en me regardant droit dans les yeux sans éprouver la moindre émotion.

“Elle… Elle avait lu les rouleaux… Elle en avait parlé à Margaret et…’’, supposai-je en plaquant une main contre ma bouche, prise par les évènements.

“Elle vous avait enregistrée… Rhhh… une cassette, celle dont je vous ai parlée. Celle où… Celle où elle parlait des rouleaux… Rhhh… de nos expériences, de l’Elue…’’, confessa-t-il encore, comme s’il ne pouvait plus s’arrêter de parler.

“Vous avez trouvé cette cassette et vous avez décidé de vous prendre pour Dieu ? De sacrifier un enfant simplement pour protéger le Centre ?’’, le questionnai-je de nouveau, les pièces du puzzle s’assemblant peu à peu dans mon esprit.

“Simplement pour… protéger le Centre ? Vous n’y êtes pas du tout !’’, s’exclama-t-il d’une voix grésillante. “Je voulais vous empêcher de… Rhhh… mettre fin à tout le réseau et de devenir ce qu’aujourd’hui vous êtes en train de devenir… Un genre de…’’, il s’interrompit au milieu de sa phrase avec qu’on ait entendu un coup de feu retentir.

En un clin d’œil, je m’aperçus d’abord que c’était Lyle qui avait tiré sur… Raines. Celui-ci saignait abondamment de l’abdomen et Jarod l’avait libéré de son emprise, le sentant désormais inoffensif. Au ralentit, il s’approcha de moi, tel un mort-vivant, et arrivé à ma hauteur il posa ma main rugueuse sur ma joue. Je ne pus réprimer une légère grimace de dégoût, je détestais qu’il me touche et encore moins au visage.

“Dé… Dé…’’, marmonna-t-il sans réussir à aller plus loin.
Il s’effondra à mes pieds, il était à genoux devant moi, les bras en croix. Instinctivement, je serai plus fort contre moi l’enfant que je tenais. Il m’inquiétait, que faisait-il ? Que voulait-il dire ? Je n’en avais pas la moindre idée.

“Vous… Vous êtes une… Rhhh… Une…’’, émit-il avant de s’écrouler sur le sol, rejoignant ainsi son frère et… son neveu peut-être.

Alors que je restai planté là sans rien pouvoir dire ou faire, Jarod en profita pour se jeter sur Lyle et le désarmer en un rien de temps. De toute façon, il n’avait pas l’intention de nous faire du mal, enfin, c’était ce que j’avais ressenti à ce moment-là. Il voulait juste taire la vérité comme il l’avait toujours fait au Centre et partout ailleurs, avec tout le monde.

“Jarod…’’, bafouillai-je avec hésitation. “Qui suis-je ?’’

“Je n’en ai aucune idée.’’, dût-il se résoudre à me répondre.

Lyle, lui, souriait à pleines dents, heureux de l’avoir assassiné avant qu’il n’ait pu dire quoi que ce soit. J’avais tellement envie de lui arracher les yeux et de le défigurer afin qu’il ne puisse plus jamais afficher ce sourire narquois. Jarod le tenait en joug, j’aurais tant aimé qu’il appuie sur la gâchette, bon nombre de soucis se seraient envolés avec son âme. A supposer qu’il en est une, fait dont j’ai toujours douté.

***

Chapitre 12

Je fixais Lyle sans le quitter du regard une seconde, il me dégoûtait au plus haut point. Je tendais les bras dans sa direction, mon arme au creux de mes mains tremblait comme jamais. Non pas de peur mais d’énervement, de haine. Il avait tout de même tué un enfant ! Un être si jeune et innocent, si inoffensif… Comment avait-il pu descendre si bas ? Je faisais tout mon possible pour me contrôler, j’avais tellement envie de lui mettre une balle dans la tête, juste entre les deux yeux. Mais ça lui ferait bien trop plaisir.

Ce qui me surprit, ce fut la réaction de Parker. Je ne l’avais pas vue déposer le petit garçon dans son berceau et s’approcher de son frère. Elle s’empara de sa gorge, transperçant sa peau de ses ongles acérés. Son visage était si près de celui de Lyle que j’eus l’impression qu’elle allait le tuer d’un simple regard. Et je savais combien elle pouvait se faire menaçante, voire terrifiante, lorsqu’elle s’approchait en abordant cet air sombre. Elle le plaqua au mur, les deux mains enserrant son cou avec une force qu’elle n’avait que rarement déployée sous mes yeux.

Elle lui murmura des mots à l’oreille que je ne pus entendre, mais à en voir la façon dont elle avait réagi, je supposai qu’il n’avait pas répondu correctement à sa question. En effet, elle lui avait assené un douloureux coup de genoux dans les parties intimes, ce qui avait obligé Lyle à tomber au sol. Elle s’agenouilla à ses cotés, l’assommant un peu plus d’une droite impressionnante et… inquiétante. Jamais je ne l’avais vue dans un tel état de rage, elle n’était certainement plus consciente de ses actes. Pourtant, je restais là, la laissant faire sans l’empêcher d’une quelconque manière. Je pensais qu’au fond de moi, ça me faisait plaisir qu’il souffre le martyre et qu’en plus, cela puisse permettre à Parker de se soulager.

“Je veux savoir tout ce que toi tu sais !’’, lui ordonna-t-elle d’une voix froide et déterminée.

“On n’obtient pas… toujours ce que l’on veut dans la vie Parker… Toi mieux que quiconque devrais déjà t’en être rendue compte… Non ?’’, répliqua-t-il en feignant l’insensibilité.

Le visage de l’homme sans pouce était pourtant dans un triste état, couvert d’ecchymoses et de coupures. Son arcade et sa lèvre étaient ouvertes, laissant échapper des filets de sang qui venaient former une petit flaque rouge sous sa tête. Elle ne lui avait même pas laissé le temps de riposter, il n’avait rien pu faire pour se défendre. D’habitude, je détestais ce genre de situations où l’assaillant a l’ascendant et que la victime n’a aucune chance d’en sortir indemne. Mais dans le cas présent, Parker dominait sa proie et je ne pouvais que me réjouir et apprécier le spectacle qu’ils m’offraient tous les deux.

“QUI SUIS-JE ?!’’, lui cria-t-elle de façon à lui abîmer les tympans, ce qui fut mon cas.

“Ma sœur bien aimée évidement !’’, répondit-il, ironique.

“Oui, et dans deux secondes je vais devenir la personne que tu haïras le plus au monde si tu ne me dis pas la vérité ! TOUTE la vérité !’’, lui intima-t-elle, perdant irrémédiablement le peu de patience qui lui restait encore.

“Que veux-tu que… je te dise ? Que cet enfant… n’était qu’un moyen de… contourner les malédictions, espérant que jamais tu ne trouves les rouleaux ? Parce que tu… Tu les as trouvés n’est-ce pas ? Je le vois dans tes yeux…’’, plus il parlait, plus ses blessures lui semblaient être insupportables, raison pour laquelle il avait des difficultés à s’exprimer.

“Contourner les malédictions ?’’, répéta Parker, aussi perdue que moi.

“A l’origine, il ne devait… être qu’un héritier à notre père, enfin, Mr Parker… Il aurait pu le modeler… Mais Raines l’a fait parler… quand… quand nous l’avons retrouvé et nous avons cette idée, espérant que nous… retrouverions les rouleaux avant toi pour encore une fois les… modifier à notre guise.’’, confessa-t-il aussi fier qu’un paon d’avoir échafaudé un tel plan machiavélique.

“Mais et moi dans tout ça ?’’, demandais-je afin de recentrer la conversation.

“Vous n’avez pas lu tout… ce que révèlent les rouleaux à ce que je vois !’’, s’exclama-t-il avant de tousser bruyamment.

“PARLE !’’, fit Parker en le secouant comme un prunier.

“Vous étiez notre unique moyen… d’obtenir tout le pouvoir dont les hommes peuvent rêver, votre génie, vos dons… Parker aurait tout détruit en étant l’Elue… C’est elle qui aurait ruiné tous nos… nos projets. Alors nous ne pouvions la laisser faire sans réagir !’’, se justifia-t-il comme si nous aurions déjà dû le savoir depuis longtemps.

“Comment pourrais-je ruiner tous vos projets ? Je ne sais même pas qui je suis !’’, s’interrogea Parker.

Elle était l’Elue, d’accord, mais à quoi ça nous avançait ? A part ce terme, nous ne savions rien de concret. Qu’est-ce qui faisait d’elle la seule à pouvoir détruire le Centre ? Lyle semblait en connaître long sur le sujet, j’en étais persuadé.

“Tsss… Tu le découvriras bien assez tôt, je ne vais pas… t’aider à atteindre ton but.’’, affirma Lyle, trop sûr de lui.

“Alors… L’enfant… c’est toi qui t’en es débarrassé n’est-ce pas ?’’, questionna Parker en lui maintenant fermement le menton, l’obligeant à la regarder droit dans les yeux.

En entendant sa remarque, je m’approchai du berceau pour observer le petit corps qui s’y trouvait. Je soulevai délicatement le drap qui recouvrait l’enfant. Ses yeux étaient clos alors je posai mon arme, m’assurant que Parker ne risquait rien, et entreprit de faire un petit diagnostique. J’ouvris ses paupières et soupirai en secouant la tête. J’aurais dû le deviner, c’était tellement évident.

“Quoi ?’’, fit Parker en se rendant compte de mon expression.

“Il a des pétéchies.’’, lui annonçai-je en serrant les dents et les poings.

Je récupérai mon revolver pour me jeter sur Lyle, lui enfonçant le canon dans la gorge, là où Parker avait déjà laissé des traces. Il grimaça légèrement à cause de la douleur.

“Qu’est-ce qu’il y a Jarod ?’’, s’impatienta Parker.

“Il a été étouffé… Lyle l’a étouffé !’’, lui expliquai-je en m’acharnant sur ce monstre.

Elle s’était redressée, une main plaquée sur la bouche. Elle rejoignit le berceau et caressa tendrement son front et ses cheveux. Je n’en pouvais plus : j’assommai Lyle afin d’être tranquille un moment puis fermai la porte afin que ses nettoyeurs n’osent pas entrer de peur que nous le tuions.
Je passai mon bras dans le dos de Parker et elle se tourna vers moi, entourant ma nuque de ses bras. Elle cala ensuite sa tête dans mon cou et nous gardâmes cette position pendant quelques minutes. Tout contre moi, je la sentais lutter pour retenir ses larmes, nous étions tous deux si bouleversés. Elle tremblait mais restait silencieuse. Nous ne pouvions prononcer aucun mot. Aucune parole n’aurait pu convenir pour exprimer ce que nous ressentions.

Parker finit par se détacher de moi, dans une lenteur inquiétante, un ralenti qui nous mettait mal à l’aise. Parce que je ne voulais pas qu’elle soit loin de moi, parce qu’elle ne voulait pas quitter cet enfant. Elle le recouvrit à l’aide du drap et le prit dans ses bras avant de se diriger vers la porte. Je savais ce que je devais faire désormais. Je donnai un petit coup de pied dans l’estomac de Lyle pour le faire émerger. Il lâcha un grognement avant d’ouvrir faiblement les yeux. Je choisis cet instant pour l’empoigner par le col et le tirer vers moi pour l’obliger à se lever. Il me suivit en se massant la tête, mon arme plantée dans son dos, il ne tenterait rien.

***

Je jetai un œil à Parker qui s’installait à l’arrière de véhicule, son petit fardeau dans les bras. Elle ne parlait toujours pas, ce qui n’était pas pour me rassurer. Quant à moi, j’attachai les mains de Lyle à la poignée qui se trouvait au dessus de sa tête, me servant de sa cravate Armani comme entrave. Je fis ensuite le tour de la voiture pour me mettre au volant.

Le trajet se fit en silence, Lyle ne nous saoula pas de paroles, ce qui était déjà une bonne chose. Je n’avais de cesse de surveiller Parker par l’intermédiaire du rétroviseur. Elle penchait la tête vers l’enfant, le berçant doucement comme s’il était le sien. Ce qu’elle devait se sentir coupable, ce qu’elle devait s’en vouloir. Je devinais déjà les reproches qu’elle semblait se faire intérieurement. Pourquoi l’avait-elle oublié tout ce temps ? Pourquoi n’avait-elle pas pensé à lui plus tôt ? Pourquoi n’était-elle pas arrivée à temps pour le sauver ? C’était déjà ça, elle n’aurait pas besoin de me parler pour que je la comprenne. C’est souvent cela qui blesse le plus, le fait de n’avoir personne qui nous cerne comme je la cerne elle : à la perfection.

“Où allons-nous ?’’, demanda Lyle en tournant son visage contusionné vers moi.

“Tu le sauras bien assez tôt.’’, lui rétorquai-je pour le garder dans le flou le plus longtemps possible.

“Oh, Parker, fiche la paix à ce bébé ! Il est mort, tu ne peux plus rien pour lui, alors arrête de t’apitoyer comme ça !’’, lança-t-il à sa sœur.

“La ferme Lyle !’’, lui rétorquai-je en brandissant mon revolver.
Parker ne l’avait à priori même pas entendu, trop imprégnée dans ses pensées. Elle me faisait vraiment peur à agir comme si cet enfant était encore vivant. Elle caressait le drap au niveau de sa tête, elle lui murmurait des mots que je n’entendais pas. Je le savais simplement parce qu’elle remuait les lèvres, le plus discrètement possible, mais je l’avais tout de même remarqué.

“Parker, ça va aller ?’’, m’inquiétai-je en me tournant vers elle au feu rouge.

“Hum…’’, fit-elle en guise de réponse, sans même lever les yeux vers moi.

Je tendis le bras pour caresser ses cheveux, ce qui n’eut aucun effet sur son comportement. Je soupirai, espérant que tout rentrerait peu à peu en ordre. C’était devenu insupportable pour elle, je le voyais bien, il fallait donc tout faire pour répondre à nos questions le plus rapidement possible. Il en allait de sa santé mentale plus qu’autre chose.

***

Je poussai Lyle sur le sofa où il s’effondra après avoir perdu l’équilibre. Je fis un signe de tête à Ethan et Gemini pour m’assurer qu’ils s’occuperaient de le surveiller. Je retournai dans la chambre où se trouvaient Parker, le bébé et Sydney. Ce dernier se tourna vers moi, arborant un air consterné. A première vue, il ne savait pas trop comment s’y prendre avec Parker. Elle n’était pas du genre à être coopérative lorsqu’on se mettait à la psychanalyser.

Mlle Parker était le genre de femme à prendre avec des pincettes, telle un bogue empli de châtaignes. L’extérieur était dur et piquant alors que l’intérieur renfermait un petit trésor doux et agréable. Il suffisait simplement de trouver la brèche, la fêlure qui permettait d’y introduire ses doigts pour en écarter les deux parois rugueuses. Il y avait des moments, des endroits pour accéder à cette ouverture et peut-être était-ce le moment de le faire.

“Parker, j’aimerais parler avec vous. Vous le voulez bien ?’’, commença-t-il en prenant place à ses cotés.

“Est-ce que je peux le prendre ?’’, lui demandai-je en posant mes mains sur l’enfant.

Elle résista un instant mais finit par céder et me laissa l’emporter avec un regard peiné. Elle tendit le bras, les doigts légèrement recourbés, comme sans vie. Elle avait perdu toutes ses forces mais continuait de lutter. Elle reposa sa main sur le lit, baissant la tête.

Je m’étais arrêté sur le seuil de la porte, me retournant une dernière fois. J’avais du mal à m’éloigner d’elle, je ne voulais pas la laisser seule. Bien sûre, elle était avec Sydney, mais ce n’était pas moi. Je préférais tout de même qu’elle parle avec lui d’abord, il serait plus objectif que moi et trouverait peut-être plus facilement un moyen pour qu’elle aille mieux. Je me décidai enfin à rejoindre les autres au salon, ils pourraient ainsi me donner des nouvelles de leurs recherches. A espérer qu’ils en aient.

***

“Bon alors j’ai fait des recherches dans tous les hôtels, motels et auberges des alentours. Ca m’a pris un moment mais en comparant les dates… J’ai peut-être une piste.’’, m’annonça Broots en levant le nez de son écran.

Je fus surpris de voir la taille des cernes qui soulignaient son regard embrumé. Il avait dû y passer des heures sans même prendre la peine de boire un café ou ne serait-ce cligner des yeux. C’est ce qui me plaisait chez lui. Dans la vie quotidienne, il n’était pas débrouillard et même carrément maladroit, mais lorsqu’il s’agissait d’un ordinateur, il donnait toujours le meilleur de lui-même pour obtenir du résultat. Il était timide mais profondément gentil, c’était pour ça que Parker ne pouvait pas se séparer de lui, il était à ses pieds à la moindre requête de sa part.

“Dans trois motels, deux femmes ont loué des chambres aux alentours de huit heures et demi du matin. J’ai appelé deux de ces établissements et au bout du deuxième appel, on m’a assuré que mon portrait correspondait à une mère et sa fille.’’, m’expliqua-t-il en me tendant un morceau de papier griffonné. “Voici l’adresse.’’

“Merci Broots, merci pour tout.’’, lui dis-je en observant la feuille toute froissée. “Et… Debbie, elle va bien ?’’ me rappelai-je soudain car je tenais toujours l’enfant dans mes bras.

“Oh oui, oui, je lui ai dit d’aller dormir chez une copine pour cette nuit.’’, me rassura-t-il en souriant nerveusement.

“Bien, c’est bien. Je… On devrait tous aller dormir, on verra demain pour le reste de l’affaire.’’, leur conseillai-je en me dirigeant vers la chambre de Parker.

“Jarod ?’’, m’interpella Gemini avant que je ne disparaisse.

“Oui ?’’

“Ce n’est pas dangereux de rester ici ? Je veux dire, ils ne vont pas nous trouver chez Mlle Parker ?’’, me questionna-t-il d’un air préoccupé.

Je jetai un œil sur Lyle qui n’avait de cesse de me dévisager avec agacement, puis secouai la tête de façon négative. Je m’approchai de lui sans le quitter des yeux moi non plus.

“D’une part, c’est le dernier endroit où ils viendront nous chercher car il est trop évident. Et puis, de toute manière, nous avons une monnaie d’échange. Ils ne tenteront rien de peur de se faire refroidir ensuite par les types du Triumvirat.’’, affirmai-je sous le sourire peu convaincu de l’homme sans pouce. “Assurez-vous qu’il est bien attaché et surveillez-le bien.’’, exigeai-je sans trop d’autorité.

“T’inquiète pas grand frère, il ne partira pas.’’, me promit Ethan en me tapant amicalement l’épaule.

***

Je déposai ce petit corps sans vie dans un panier que j’avais empli de serviettes au préalable. Parker et moi irions vite l’enterrer aux cotés de mon père et de Jacob, si elle était d’accord bien entendu. Je saisis l’anse du panier et allai le déposer dans la chambre, Parker voulait le garder à l’œil. Je trouvai tout cela quelque peu morbide mais elle agissait tellement étrangement ces dernières heures que je ne voulais pas faire quoi que ce soit de mal.

J’avançai vers le lit où elle était allongée, Sydney m’avait dit qu’elle avait surtout besoin de repos pour aller mieux. Je m’étendis dans son dos, me collant à elle le plus possible, et passai mon bras sur sa hanche. Ma main était plaquée sur son ventre et ses cheveux recouvraient presque entièrement mon visage. Elle n’avait pas bougé, pas prononcé un mot jusqu’à ce qu’elle finisse par entrelacer ses doigts aux miens. C’était devenu comme un rituel pour nous, comme pour partager notre force, notre amour. Je voulais tellement voir son doux visage, pour cela, je glissai mon bras droit sous son cou afin de faire le tour complet. Mes mains se rejoignaient au niveau de sa hanche droite, elle était désormais sur le dos.

“Si ça se trouve, il était en quelque sorte mon frère et mon égoïsme l’a tué.’’, murmura-t-elle soudain dans la pénombre.

“Non Parker, s’il y un responsable, c’est Lyle. C’est lui qui tenait l’oreiller qui l’a étouffé, par toi.’’, lui dis-je sans trop savoir quoi faire pour la convaincre.

“Un an Jarod… J’ai mis un an à me souvenir que j’avais peut-être un demi-frère quelque part. Comment peux-tu dire que ce n’est pas de l’égoïsme !’’, elle éclata en sanglots, le poids de la culpabilité étant bien trop lourd à porter en silence.
Je ne pouvais que la serrer plus fort contre moi, comment aurais-je pu la consoler ? Qu’aurais-je pu lui dire pour soulager sa douleur et sa peine ? Rien de tout ce que je pouvais faire n’aurait servi, il s’agissait de la mort d’un bébé, son demi-frère qui plus est. Et elle était persuadée que c’était en partie sa faute… Je comprenais.

“Tu sais tout à l’heure, quand j’avais mes mains sur la gorge de Lyle. J’avais envie de serrer de toutes mes forces, d’empêcher l’air de rentrer dans ses poumons… Et puis, j’ai vu mon visage. J’étais comme lui, je n’ai pas tué cet enfant mais je ne l’ai pas sauvé, ça revient au même. Je suis un monstre, tout comme Lyle.’’

“Tu ne peux pas dire ça Parker. Tu le sais très bien, tu es différente, c’est toi qui apporte le changement.’’, lui rappelai-je en faisant allusion aux rouleaux.

“Mais que suis-je ? Qui suis-je ? A part le clone de ma mère, Raines avait l’air de dire que je représentais autre chose mais je n’en ai aucune idée !’’, s’exclama-t-elle avant de se lover davantage contre moi.

“Peut-être que ton prénom signifie quelque chose de précis, tu ne t’es jamais posée la question ?’’, me demandai-je soudainement.

“Tu te souviens de mon prénom ?’’, s’étonna-t-elle en tournant la tête vers moi.

“Evidemment pourquoi ?’’, comment oublier un prénom ?

“Je… Je ne sais pas, depuis tout ce temps…’’, murmura-t-elle d’une voix presque inaudible.

“Ange. Je l’ai toujours trouvé spécial mais il te va si bien.’’, lui confiai-je en caressant son bras.

“Cela fait si longtemps que je ne l’avais pas entendu prononcé par quelqu’un d’autre que mon père. Ca me fait une drôle de sensation.’’, me dit-elle en se serrant encore plus près de moi.

“Tu veux bien que je t’appelle par ton prénom maintenant ?’’, je sentais qu’il valait mieux que je lui demande la permission avant de le faire en public.

“Je vais avoir du mal à m’habituer.’’, me fit-elle remarquer.

“Oui, moi aussi.’’, lui avouai-je en fermant les yeux.

***

J’avançai lentement, la main de Parker tremblant dans la mienne. Nous marchions d’un même pas vers ce petit tas de terre fraîchement retournée. Broots et Ethan avaient accepté de s’occuper de cette pénible besogne. Tout en m’approchant, je jetai un œil aux gens qui nous entouraient. Ils étaient tous là, pour moi, pour Parker. Un frisson parcourut ma colonne vertébrale quand je repensai à l’enterrement de Tommy. Personne n’avait ne serait-ce que soupçonné ma présence, pas même Parker quand elle avait prononcé ces mots si doux.

Sydney se trouvait entre Gemini et Broots. La fille de ce dernier nous avait rejoints à l’aube et se tenait aux cotés d’Ethan qui surveillait Lyle pour nous. Celui-ci restait relativement calme et n’avait toujours rien tenté. Il prenait note, nous étudiait, décryptait nos moindres faits et gestes au cas où il pourrait s’en servir contre nous un peu plus tard.

Mon regard se posa de nouveau sur Parker qui avait continué seule son chemin. Elle s’arrêta en face de la petite croix ornée des trois lettres usuelles « RIP ». Rest in peace… Nous ne connaissions même pas son nom. Je levai la tête pour fixer les sombres nuages qui nous menaçaient depuis notre arrivée. Un coup de tonnerre finit par retentir tel le tocsin d’une église annonçant la mauvaise nouvelle. Je rabattis le col de mon manteau, croisant les bras pour chercher un peu de chaleur.

Parker s’agenouilla sur la terre humide, une main sur le cœur, l’autre sur cette petite tombe. Il était si rare et si douloureux d’en voir de si minuscules. Elle resta comme prostrée pendant quelques minutes. Son état me préoccupait terriblement, je ne l’avais jamais vue se comporter ainsi, être aussi affectée par la mort d’un être qu’elle connaissait finalement si peu.

D’accord, c’était un enfant, il faisait peut-être partie de sa famille, mais tout était si étrange, comme… plus écrasant, plus fort.

“Ange…’’, murmurai-je en arrivant à sa hauteur, la faisant sursauter. “Relève-toi s’il te plaît.’’

“Attends, laisse-moi du temps…’’, me supplia-t-elle presque en tournant ses yeux tristes vers moi.

Je reculai d’un pas, sans la quitter du regard. Je remarquai alors qu’elle tenait quelque chose dans sa main droite, je finis par reconnaître le chapelet que je lui avais envoyé. Celui qu’elle avait offert à Faith avant qu’elle ne meurt elle aussi. Parker reprit sa position initiale, serrant le chapelet contre elle. Je l’entendis ensuite prononcer quelques mots.

“A toi, un petit être innocent. Je n’ai pas su te protéger mais sache que je ferai tout pour me racheter. Que ton voyage se fasse le plus calmement possible.’’, récita-t-elle avant de déposer un baiser sur les sombres perles qu’elle étendit sur la tombe.

Elle se redressa et se tourna vers moi. Je fixai son regard, à la recherche d’une quelconque information sur son état d’esprit. Tout doucement, elle s’avança vers moi et d’une manière tout à fait ordinaire, s’empara de ma main. Je souris, rassuré et confiant, car je savais que désormais, elle irait mieux. Le vent caressa son visage, faisant voler quelques mèches de cheveux qu’elle avait passées derrière ses oreilles. Je remarquai alors les cernes sous ses yeux, ce qui ne m’étonna pas car elle avait eu une nuit agitée.

“Allons retrouver ta mère et Emily.’’, me chuchota-t-elle en s’approchant.

Elle m’empoigna le bras pour m’obliger à la suivre, ce dont elle aurait pu se passer étant donné que je ne voulais plus la lâcher d’une semelle. J’étais devenu comme dépendant, un vrai accro qui, dès qu’il se séparait de sa drogue, ressentait instantanément les effets du manque.

“Je viens ! Je viens !’’, lui lançai-je alors qu’elle était sur le point de me faire perdre l’équilibre.

Elle s'était détachée de moi mais en la rejoignant, je croisai le regard surpris, puis rassuré, de Sydney : il savait lui aussi que les choses étaient sur le point de rentrer dans l’ordre. Juste parce que étions de plus en plus proches tous les deux. Pourtant, j’avais l’impression que les pièces du puzzle se mettaient peut-être trop facilement en place. Généralement, nous avions tant de difficultés à atteindre nos buts, à faire émerger la vérité… Et là, peu à peu, nous voyions apparaître une forme de plus en plus distincte. Malgré les épreuves, les pertes, les obstacles, nous étions toujours debout et fermement décidés à lutter. Oui, à lutter, mais contre quoi ? Contre qui ? Nous ne savions même plus ce que nous recherchions exactement.

“Jarod !’’, m’interpella Lyle avant que je ne ferme ma portière. “Je veux bien passer un marché. Je vous dis ce que je sais et vous me laissez la vie sauve.’’, me proposa-t-il avec un regard que je ne lui connaissais pas.

Il semblait avoir pesé le pour et le contre depuis un moment et s’il nous faisait cette suggestion, c’était qu’il avait à y gagner. Je m’installai néanmoins aux cotés de Parker, il nous exposerait son point de vue une fois que nous serions tous réunis.

***

Chapitre 13

Je ne pensais qu’à lui, j’étais obnubilée par son image. Ce bébé que j’avais moi-même mis au monde, que j’avais tenu dans mes bras avant sa propre mère. Celui qui avait ouvert les yeux pour me voir, moi, le tout premier être humain à s’intéresser à lui. Moi, aussi, le tout premier à le trahir en l’oubliant et en le laissant aux mains d’hommes monstrueux et sans conscience. Je me détestais pour ça. Des images submergeaient mon esprit : sa naissance, l’arrivée de mon père dans cette sombre cabane retirée de tout. Et puis moi, encore, le tenant tout contre moi le jour où Raines avait expérimenté un gaz sur lui. Je n’avais pas su si c’était pour le tuer ou au contraire le sauver mais je m’en moquais. Tout ce dont je me souvenais, c’était la peur qui m’avait envahie quand Broots avait fait allusion à la mort subite du nourrisson… J’avais couru de toutes mes forces dans les couloirs du Centre pour le retrouver, pour le mettre en sécurité.

Jarod restait silencieux, il fixait l’horizon. Je n’aurais su déterminer si c’était pour admirer le lever du soleil qui s’offrait à nous ou pour éviter mon regard. De toute façon, je n’aurais su quoi lui dire s’il m’avait adressé la parole.

Je me garai sur le petit parking du motel que m’avait indiqué Broots, plus tôt dans la matinée. Un coup d’œil dans le rétroviseur et j’aperçus les deux véhicules qui nous suivaient depuis notre départ. Ils vinrent s’arrêter à notre hauteur et les occupants descendirent sans trop faire de bruit.

“Restez-là pour le moment. Surveillez-le bien.’’, leur ordonnai-je en désignant mon frère, qui ne l’était plus vraiment en réalité puisque nous ne partagions que notre mère.

“Parker !’’, me héla-t-il alors que je m’éloignais déjà. “Tu ne veux pas savoir ce que j’ai à te dire ?’’, demanda-t-il ensuite avec une nuance de fierté dans la voix.

Je me retournai, hésitante. Oui, je le voulais plus que tout mais Jarod était déjà entré. Je rêvais de découvrir ces secrets mais je devais d’abord m’assurer que Margaret et Emily étaient ici et en sécurité. Je me précipitai donc sur la porte d’entrée, espérant rattraper Jarod avant qu’il ne les retrouve. Je l’aperçus au fond du couloir alors je pressai le pas. Je le rejoignis rapidement, entrelaçant mes doigts au siens comme on en avait l’habitude depuis quelques temps. Nous avions besoin de ce contact.

Il inspira profondément, souhaitant de tout son cœur ne pas s’être trompé. Il appréhendait ce moment, voulaient-elles le revoir ? Si elles étaient parties si subitement, c’était qu’elles ne sentaient pas prêtes. Je posai ma main sur sa joue pour l’obliger à me regarder droit dans les yeux. A travers ce regard, j’essayai de lui transmettre le peu de force qui me restait mais surtout l’amour que je lui portais. Il s’avança à peine, juste pour déposer un baiser sur mon front. Je fermai les yeux une seconde, savourant ce moment à sa juste valeur et lui serrant la main jusqu’à lui couper la circulation sanguine. Il frappa trois petits coups secs et une voix nous demanda notre identité.

“C’est moi, Jarod, ouvre Emily !’’, lui demanda-t-il d’une voix tremblante.

“Jarod ?’’, s’exclama Emily après avoir ouvert la porte, surprise de le trouver ici.

“Emily, je t’en prie, laisse-nous entrer. Je dois parler à Maman.’’, la supplia-t-il alors qu’elle restait immobile.

“Si tu nous as trouvées, ils vont nous trouver nous aussi !’’, s’inquiéta-t-elle, une main se massant la nuque.

“Raines et Mr Parker sont morts.’’, lui annonçai-je, supposant que c’était à eux qu’elle venait de faire allusion.

Elle inclina légèrement la tête, perdant le fil de la situation. Jarod en profita pour lui forcer le passage, la bousculant presque pour entrer dans la chambre. Sa réaction m’étonna, il n’était pas du genre à perdre son sens froid et à s’imposer de la sorte. Je fis un pas pour jeter un œil dans la pièce car la porte m’empêchait de le voir. Emily m’observa avec appréhension, comme si elle me demandait quoi faire vis-à-vis de Jarod. Je baissai la tête, incapable de l’aider en quoi que ce soit. J’entendais la voix de Jarod, priant sa mère de bien vouloir l’écouter. Celle-ci s’était enfermée dans la salle de bain, refusant de lui parler.

“Maman, s’il te plaît, ouvre… Je voudrais te parler en face, je t’en prie, c’est important pour moi.’’, lui confia-t-il, l’oreille collée à la porte.

“Non ! Vas-t-en ! Je ne suis pas ta mère ! Je voulais juste que tu rencontre ta sœur, c’était pour ça que je te cherchais… Je ne pensais pas que ce serait si dur Jarod…’’, murmura-t-elle, elle semblait totalement brisée, anéantie.

“Elle s’en veut de ne pas être sa vraie mère, elle a l’impression de lui avoir menti pendant trente ans.’’, m’expliqua Emily en fixant son frère qui se morfondait, seul dans son coin.

J’allai dans sa direction après que la jeune femme m’ait donné la permission d’entrer, d’un simple signe de tête. Je mordillais ma lèvre inférieure sans même en être réellement consciente. Comment agir avec lui ? Avec Margaret ? Je m’assis à ses cotés, sur le bord du lit, et passai mon bras autour de ses épaules. Je percevais presque les sanglots que devait verser sa mère, de l’autre coté de du mur, seule dans cette petite pièce sombre.

“Margaret… Jarod vous offre la chance de tout recommencer à zéro. Vous n’êtes pas sa mère biologique et alors ? Si le Centre ne vous avait pas retiré Jarod, vous l’auriez élevé avec tout l’amour d’une mère, comme si la génétique n’avait pas été une barrière mais au contraire un lien unique.’’, commençai-je avec une détermination que je ne me soupçonnais pas. “Aujourd’hui vous pouvez tout vous dire, tout vous confier et former de nouveau une vraie famille, ne laissez pas cette chance vous échapper maintenant que le Centre ne peut plus rien contre vous.’’, l’encourageai-je sans rompre le contact avec Jarod.

Il n’y eut pas un bruit, pas même une seule respiration. Tout semblait figé autour de moi, nous attendions patiemment le résultat de ce plaidoyer. Il ne manquait plus qu’une petite musique stridente pour rendre la situation encore plus tendue. Et puis tout à coup, la porte s’entre ouvrit et je distinguai un œil qui nous dévisageait Jarod et moi.

“Le Centre est détruit ?’’, nous interrogea-t-elle, complètement désemparée.

“Raines s’est débarrassé de Mr Parker et… Le frère de Mlle Parker a assassiné Raines avant qu’il ne parle.’’, lui apprit-il en allant jusqu’à elle.

Comme si un poids incommensurable venait de lui être retiré des épaules, Margaret eut une expression de soulagement indescriptible. Elle tomba quasiment dans les bras de Jarod qui paraissait également très apaisé. Soudain, elle se détacha de lui, arborant un air plus crispé, mêlé à l’excitation.

“Et vous avez trouvé votre place ?’’, s’enquit-elle encore en se tournant vers moi pour me faire totalement face.

“Ma… Place ?’’, hésitai-je, me souvenant de notre discussion, quelques jours auparavant, chez moi.

“Oui, celle dont Catherine m’avait parlée… Alors ? Vous savez ? Vous avez lu les rouleaux ?’’, questionna-t-elle de plus belle, une lueur étrange brillant dans ses yeux.

“Jarod, on a dû manquer quelque chose dans ces satanés rouleaux !’’, lui fis-je remarquer. “Ca fait deux fois qu’on nous rabâche le même couplet !’’, soulignai-je afin de le pousser à me donner son avis.

“Je vais chercher Lyle.’’, répondit-il simplement avant de s’éclipser, nous laissant toutes trois nous observer en chiens de faïence.

Il réapparut quelques secondes après, accompagné de toute notre fine équipe. Ce rassemblement me faisait vraiment penser à un bus de touristes avec les inimitiés, les petites familles et les pseudo couples. Jarod attrapa une chaise et bouscula Lyle afin qu’il s’assît. Ce dernier avait les bras menottés dans le dos et les ecchymoses qui décoraient son visages n’étaient pas pour lu donner bonne mine.

Je tournai les yeux vers Margaret et Emily qui avaient reculé d’un pas à son entrée, comme si rien que le fait de croiser son regard pouvait les rendre aussi viles que lui. Je me levai, m’approchant lentement de lui, me délectant de cet instant où tout était sous mon contrôle. Je maîtrisais totalement la situation, prête à lui sortir les vers du nez.

“Allez, vas-y, parle. Tu veux sortir d’ici en un seul morceau ? C’est ta seule chance. Alors saisis-la, et saisis-la bien.’’, lui conseillai-je gentiment, mon Smith & Wesson de nouveau enfoncé dans la gorge.

La menace, il n’y avait que ça de vrai, que ça qui marchait avec lui. Il détourna le regard un instant, certainement à la recherche d’une solution pour sauver sa peau. Je souris, ravie qu’il se retrouve ainsi, à ma merci. Car je n’avais pas du tout l’intention de lui laisser la vie, ah ça non, jamais je ne lui permettrai de s’en sortir. En aucun cas.

“Je crois que j’ai compris.’’, déclara Jarod, observant minutieusement les rouleaux qu’avait apportés Sydney.

“Quoi ?’’, cinglai-je, excédée.

“Les rouleaux ont été découpés puis ressoudés, c’est du bon travail.’’, reconnut-il en haussant les épaules.

“Ouais, mais pas assez pour t’échapper.’’, le complimentai-je, cela nous offrait la possibilité de garder le dessus sur Lyle. “Qu’est-ce qu’il y avait d’écrit ?!!’’, l’exhortai-je en serrant les poings.

“Ce que notre mère ne voulait pas que tout le monde sache.’’, répliqua-t-il avec une simplicité insolente.

“Je présume que Raines a dû te mettre au courant.’’, supposai-je alors, m’asseyant face à lui.

“C’est exact.’’, confessa-t-il en levant le menton. “Mais avant de vous révéler quoi que ce soit, je voudrais que nous discutions des… modalités de ma libération.’’, réclama-t-il, comme s’il était en mesure d’exiger quoi que ce fût.

“C’est ça, attends, laisse-moi deviner. Tu veux un hélicoptère avec une valise de un million de dollars qui t’attends dedans !’’, me moquai-je sans aucune envie de plaisanter.

“C’est à peu près ça.’’, murmura Lyle avec un goût amer dans la bouche. “Vous me retirez les menottes et vous mettez vos flingues dans la salle de bain, je garde les chargeurs.’’, nous ordonna-t-il avec une confiance re trouvée.

“Hors de question !’’, crachai-je sous la mine pensive de Jarod. “Non, n’y pense même pas !’’, le défendis-je en le fusillant littéralement du regard.

“Parker, tu veux savoir le fin mot de l’histoire, je trouve cette proposition équitable.’’, jugea-t-il pendant que je faisais les cent pas.

“Je ne veux pas qu’il s’en sorte !’’

“Il faut savoir faire des concessions soeurette.’’, se permit-il de me faire remarquer.

J’avais vraiment envie de l’étrangler sur place, de prendre cette foutue cravate –en piteux état- qui pendait autour de son cou et de serrer de toutes mes forces. Ni plus, ni moins. Et Jarod qui marchait dans la combine, tout ce que nous allions récolter, c’était des mensonges et une fuite en bonne et due forme. C’était pourtant évident qu’il allait nous mener en bateau avant de se faire la belle, je le connaissais bien… Et pour cause, tout le monde n’avait pas un frère jumeau, heureusement d’ailleurs.

Jarod s’approcha de moi et me retira mon Smith & Wesson des mains. Il en sortit le chargeur qu’il balança dans la poubelle et fit de même avec les deux autres armes qui nous possédions. Il alla ensuite les poser dans la salle de bains, comme promis. Moi, dépitée, je le regardai faire sans un mot. De toute façon, il m’aurait rembarrée alors… Résignée, je m’assis de nouveau sur le bord du lit où se trouvaient déjà Margaret, Emily, Gemini et Sydney. Broots et Ethan s’étaient postés derrière Lyle pour assurer un minimum de surveillance, tandis que Jarod défaisait ses menottes. Je secouai la tête, on allait se faire avoir, je le voyais venir gros comme une maison.

“Notre mère a brûlé la fin des rouleaux, c’est ce que Raines m’a dit. Il lui avait fait une petit injection de Penthotal afin de lui poser quelque questions…’’, commença-t-il avant d’être interrompu par Emily.

“Du penthotal ?’’, questionna-t-elle en fronçant les sourcils.

“Du sérum de vérité.’’, la renseigna Jarod avant de se concentrer sur les dires de Lyle.

“Je ne savais pas si c’était vrai, je pensais que Raines m’avait baratiné, c’est pour ça que j’ai cru que rien n’avait été touché sur ces maudits rouleaux. Enfin, toujours est-il que deux choses y étaient révélées. La première, que ce don qui te caractérise va… monter en puissance.’’, expliqua-t-il en me fixant, les yeux brillants.

“Monter en puissance ? Mes voix seront de plus en plus présentes ?’’, l’interrogeai-je, intriguée.

“Tes voix et aussi… D’autres pouvoirs surnaturels. Tu pourras lire dans les pensées, tu seras aussi douée de télékinésie, toutes sortes de choses plus étranges les unes que les autres. Jarod était simplement un moyen de te dévoiler, de découvrir l’Elue, la… Déesse.’’

“Tu te fiches de moi là ?’’, je n’étais pas loin de m’étouffer avec ma propre salive.

“Pas du tout, c’était à ça que Raines faisait allusion hier soir. Je l’ai liquidé de façon à me garder une porte de sortie.’’, affirma-t-il en retrouvant peu à peu ses aises face à l’auditoire qui l’écoutait en silence, buvant ses paroles.
“Parker, une déesse ?’’, s’étonna Jarod à son tour, me dévisageant comme si j’étais un monstre.

“Vous n’allez pas croire cet abruti ! Enfin, est-ce que j’ai la tête d’une déesse ?’’, m’exclamai-je, complètement bouleversée.

“Tu en veux une bonne ? Ton prénom, Ange, et puis l’anecdote de ton père comme quoi tu lui as sauvé la vie en l’évitant de tomber d’une échelle : du vent.’’, s’emporta-t-il, prêt à tout nous confesser.

“Du vent ?’’, répétai-je, ma vue se troublant légèrement.

“Tu t’appelles en réalité Thia ou Théia, bref, comme la déesse. Tu vas me demander ce que ça veut dire ? « La divine », marrant non ?’’, questionna-t-il en se levant, les mains sur les hanches. “Tu verrais ta tête ma pauvre Parker, tu n’es pas très belle à voir !’’, me railla-t-il, fier de l’effet qu’il venait de produire.

Une main plaquée sur la bouche, je me précipitai dehors, j’avais besoin de respirer. Dans le couloir, qui donnait sur une petite cour, je me mis à courir. Après avoir dévalé les escaliers, traversé le parking à toute allure et manqué de me faire renverser par une voiture, j’atteignis un petit pont. Celui-ci surplombait une petite rivière qui charriait plus de ferraille et de détritus que de branchages. Je m’accoudai au rebord, tremblant de toute part. Je m’étais attendue à tout sauf à ça, une déesse, n’importe quoi. Des pouvoirs surnaturels, balivernes.

Et puis, mes voix ne s’étaient pas manifestées depuis un moment… Et pour quelle raison ce qu’il nous avait dit aurait été pure vérité ? Surtout sortant de la bouche de mon frère, nous n’avions strictement aucune garantie sur ses bonnes paroles.

Evidemment, Jarod ne me laissa pas seule bien longtemps, il marchait déjà vers moi, les bras ballants le long du corps. Il semblait démuni, tout comme je l’étais. Quand il arriva à ma hauteur, il baissait la tête, il déglutit puis passa une main dans ses cheveux. Je le regardais du coin de l’œil, ne sachant pas par quoi commencer. Je me frottai les bras à cause du vent qui nous venait de face, je n’avais pas pris le temps d’attraper une veste en sortant. Jarod s’approcha davantage, se serrant contre moi afin de déposer un baiser sur ma tempe. Je ne résistai pas plus et me blottis dans ses bras, le front appuyé sur le creux de son cou.

“Je m’attendais à tout… sauf à ça.’’, avoua-t-il avec hésitation.

Je ne l’écoutais que d’une oreille, m’efforçant de sentir son parfum, sa peau aussi. J’avais besoin de ce contact pour me rappeler que j’étais bien sur Terre et non pas en Enfer comme j’en avais la désagréable impression. Il voulut s’écarter de moi mais je ne le laissai pas faire, l’étreignant avec plus de vigueur encore.

“Qu’est-ce qui va se passer maintenant que nous savons tout ?’’, lui demandai-je d’une voix fébrile.

“Je n’en ai aucune idée. C’est comme si tout ce que nous avions construit, tous nos repères, tous nos appuis s’étaient…’’

“Effondré dans un souffle.’’, terminai-je à sa place.

“Oui, c’est ça…’’, murmura-t-il en caressant mes cheveux d’une main mal assurée.

Je décollai ma tête de son épaule pour plonger mon regard dans le sien. Ce que je vis m’effraya, me paralysant presque. C’était la première fois que je le voyais si… vide. Il était perdu et troublé, il ne savait pas le moins du monde ce qu’il devait faire. Ce que nous devions faire. Il ne contrôlait plus rien, ne maîtrisait plus la situation comme nous le faisions encore quelque jours auparavant. Nous connaissions notre itinéraire, nous empruntions des chemins relativement bien tracés mais là… Le sentier avait disparu et la forêt opaque et sombre nous accueillait avec ses bruissements et ses cris d’animaux stridents, terrorisants. C’était le trou noir, tout simplement.
D’un commun accord –ou plutôt d’un signe de tête- nous nous mîmes tous deux en route vers le motel ; traînant le pas comme deux misérables soutenant le poids de tous les pêchés de la Terre sur nos épaules. Je levai les yeux quand je vis Broots et Ethan qui couraient vers nous. Le souffle haletant, ce fut ce dernier qui nous expliqua la mauvaise –mais prévisible- nouvelle.

“C’est… C’est Lyle, il s’est sauvé… On n’a rien osé faire avec Debbie, Emily… On ne voulait pas risquer leur vie.’’

“Ne t’inquiète pas Ethan de toute façon, qu’aurions nous fait de plus ?’’, fit Jarod, un bras toujours autour de mon épaule.

“Il… Il a dit quelque chose Mlle Parker.’’, bafouilla Broots en remarquant certainement les traces sous mes yeux qui montraient que j’avais pleuré.

“Oui…’’, émis-je douloureusement, ce qui les surprit car mon « quoi » leur était plus familier.

“L’enfant, il a dit que c’était son fils et celui de Brigitte, pas celui de M. Parker.’’

J’ouvris de grands yeux ébahis, la bouche entrouverte. Ce n’était pas possible. Il avait assassiné son propre enfant ? Il était encore pire que ce que je m’étais imaginé dans mes pires cauchemars. J’eus soudainement l’impression que le sol remuait sous mes pieds. Jarod le sentit et me serra contre lui pour m’éviter une chute certaine.

“Ange, ça va aller ?’’, s’inquiéta-t-il penchant son visage vers moi.

“Non.’’, répondis-je simplement.

“Qu’est-ce que je peux faire ?’’, se soucia-t-il encore, au bord de la panique.

“Ne plus m’appeler Ange. Ne plus ne m’appeler Parker et surtout… ne jamais m’appeler Thia ou Théia…’’, soupirai-je, à bout de forces.

Dans ma tête tout s’était mis à grésiller, des sons résonnaient comme dans une grande pièce vide. Sauf que là, mon esprit était rempli de pensées de toutes sortes, plus troubles les unes que les autres. Je portai une main à mon front pour tenter de me concentrer un instant, à l’affût de la moindre information.

“Je veux retourner au Centre.’’, ajoutai-je finalement en me redressant.

“Quoi ? Mais pourquoi ?’’, s’étonna-t-il en me voyant reprendre progressivement mon équilibre.

“Mes voix, elles me disent d’y aller. J’entends le mot « Centre », c’est très clair, je dois m’y rendre.’’, lui expliquai-je en rejoignant la voiture.

“Allez retrouver les autres, réservez des chambres dans un motel de Dover et attendez-nous là-bas.’’, conseilla Jarod à Broots qui l’écoutait attentivement, ne voulant manquer aucune de ses paroles.

“Ethan ?’’, l’appelai-je avant de rapprocher de lui pour lui prendre la main.

“Oui ma sœur ?’’

“Pourrais-tu me ramener les rouleaux s’il te plaît ?’’

“Je vais les chercher !’’, lança-t-il alors qu’il partait déjà.

Je me retournai vers Jarod qui attendait dans la voiture, coté conducteur. Je marchai jusqu’au véhicule et y pris place également, tout près de lui. Les mains serrées sur le volant, il tourna néanmoins son doux visage vers moi. J’aimais tellement qu’il me regarde, qu’il me dévisage, ou… me contemple. J’avais l’impression d’être différente des autres à ses yeux, d’être unique. D’être celle qu’il désirait, la seule personne qui avait plus de valeur pour que n’importe qui d’autre. C’était si agréable de se sentir aimée de quelqu’un d’autre que sa famille ou ses amis, si agréable d’être aimée par celui que l’on aime plus que tout. Oh, j’avais mis du temps à m’en rendre compte mais c’était pourtant si évident dans son regard. Il y avait dans ses yeux cette petite lueur qui ne s’éteignait jamais en ma présence, et qui, naturellement, se reflétait dans les miens. Tout aussi brillants quand je me trouvais en face de lui. Ce que je pouvais l’aimer, mais ce que ces trois mots étaient difficiles à prononcer. J’en avais envie, plus que tout, mais ils restaient là, coincés dans le fond de ma gorge et il m’était impossible de les en déloger… pour le moment.

***

Jarod gara la voiture à l’écart des bâtiments, de peur de se faire repérer. J’étais confiante, je sentais que nous ne risquions plus rien. Mes voix étaient apaisées, claires et limpides. Ce n’était plus la pagaille qu’elles avaient été et j’en bénissais le ciel car elles me donnaient rapidement des migraines insupportables. Je refermai ma portière et avançai jusqu’à Jarod qui observait le Centre avec appréhension.

“Ne te fais pas de souci, tout ira bien.’’, essayai-je de le tranquilliser en employant une voix des plus douces.

“Je te fais confiance mais eux…’’

Je l’empêchai de terminer sa phrase en capturant ses lèvres. Je le sentis fondre et se détendre de manière instantanée sous mon emprise. Il me serra fort contre lui, tentant certainement de me dissuader d’y aller.

“Je prends les rouleaux, il va se passer quelque chose, mais je ne peux encore le prédire avec certitude.’’, lui expliquai-je, étonnement calme.

Après m’être emparée des parchemins, je me retrouvai de nouveau face à lui. Il déposa simplement un baiser sur mon front et me regarda m’éloigner avec inquiétude. Au fond de moi, je sentais que plus rien ne nous arriverait mais je ne savais pas pourquoi. C’était juste mon instinct qui dictait mes pas.

J’entrai par la porte principale, empruntant l’ascenseur qui se présentait sur ma gauche. Celui où ma mère avait perdu la vie. Ma gorge se serra mais je restai concentrée, focalisée sur mon objectif. Je devais comprendre ce qui nous attendait au Centre et ce que le Triumvirat comptait faire désormais. Mon cœur battait la chamade dans ma poitrine, j’avais même l’impression qu’il allait la faire exploser !

Et là, les portes s’ouvrirent sur une foule immense. Tous les employés du Centre et de nombreux Africains se trouvaient là. Silencieusement, je vis des centaines de pairs d’yeux me fixer avec… admiration ? Je restai stupéfaite, ébahie, devant cette horde d’ennemis. Car ils étaient contre moi… jusqu’à preuve du contraire. J’aperçus finalement Lyle qui trônait au beau milieu de tout ce monde, au centre du hall. Il ouvrit les bras pour m’accueillir, comme si j’étais le Messie.

Dans une lenteur qui traduisait l’angoisse qui montait peu à peu en moi, je marchai jusqu’à lui. Je tenais contre moi les rouleaux, hésitante mais curieusement, pleine d’espoir. Quand j’arrivai à sa hauteur, il s’agenouilla face à moi. Ce fut bouche bée que je vis toutes les personnes qui m’entouraient l’imiter, la main sur le cœur et le regard… fasciné, ébloui. Je crus que j’allais m’évanouir sous cette vision hors du commun.

***

Epilogue

Je faisais les cent pas à l’extérieur, me faisant un sens d’encre. Je n’avais jamais ressenti une telle crainte au fond de moi, autant d’anxiété. Elle était là bas, seule, à la merci de n’importe quel taré résidant au Centre. Un bruit éveilla ma curiosité. Un craquement plus exactement, comme une branche qui cède sous le poids d’un homme. Je retournai à la voiture, m’emparant du 357 Magnum qui se trouvait dans la boîte à gant. Je sentais la sueur perler sur mon front et me brouiller la vue. Tenant mon arme à bout de bras, luttant pour me concentrer, je voyais mes mains trembler sous cette insoutenable tension. Et puis brusquement, je me retournai en détectant une présence dans mon dos.

“ANGELO ??!!’’, m’écriai-je en abaissant mon revolver.

“L’Elue est forte… La reconnaissance est faite !! La reconnaissance est faite !! Elle est reconnue !!’’, s’exclama-t-il soudain en s’approchant de moi, les yeux révulsés.

Je reculai d’un pas, ne comprenant pas le message qu’il essayait de me transmettre. Il faisait certainement allusion à Parker mais pour quelle raison ? Elle ne semblait pas en danger d’après ce qu’il me disait. Je devais réfléchir un instant, me poser et raisonner posément.

“Angelo, calme-toi, doucement…’’, lui dis-je en mettant ma main sur son épaule.

Ses grands yeux me fixaient intensément, comme troublés par un sombre nuage qui l’empêchait de voir convenablement. Il s’assit à mes cotés, sur un rebord de pierre dissimulé par quelques épais buissons en fleurs. Devais-je la rejoindre ? Je soupirai, je n’avais aucune idée de ce que je pouvais faire pour l’aider. Mais tout d’abord, avait-elle réellement besoin de moi ?

“L’Elue obtient le règne… Ses pouvoirs… Elle obtient l’obéissance… L’obéissance… Elle obtient son rang… L’obéissance… Ses pouvoirs… AAARRRGGHH !!!! L’OBEISSANCE !!!!’’, se mit-il à hurler en gesticulant comme un pantin désarticulé.

Tout à coup il tomba à genoux, tenant sa tête entre ses deux mains, frappant ses tempes avec violence. Je me jetai sur lui pour l’empêcher de se blesser mais il me résistait, se débattant avec une énergie incroyable. Je ne voulais pas utiliser la force mais il m’y obligeait sérieusement.

“L’OBEISSANCE !!!’’, vociférait-il au risque de me crever un tympan.

“ANGELO ! CALME-TOI !!’’, lui ordonnai-je sans aucun résultat.
Nous tombâmes sur le sol et je reçus des coups de pieds dans les côtes ainsi que des coups de poings au visage. Finalement, je parvins à le maîtriser, mon avant bras appuyant sur sa gorge. Je ne pressais pas trop, de peur de l’étouffer mais il fallait qu’il retrouve ses esprits avant qu’il ne fasse une bêtise.

“Doucement… ça va ?’’, lui demandais-je en remarquant qu’il était silencieux.

“Ses dons… Le pouvoir… L’obéissance…’’, marmonnait-il, presque inaudible.

Je secouai la tête, résigné, je n’arriverais sûrement pas à le comprendre. Ou à la rigueur, au cas ou je réussirais, il serait probablement trop tard. Alors de nouveau, je m’assis sur le muret qui bordait la route, attendant en priant le ciel pour que Parker soit en parfaite santé quand je la reverrais.

***

Deux heures… Cela faisait déjà deux heures que je l’attendais en compagnie d’Angelo. Celui-ci patientait en observant les nuages qui dansaient au dessus de nos têtes ou en cueillant les pâquerettes qui parsemaient la chaussée. Quant à moi, appuyé sur le capot de la voiture, je laissais mes doigts pianoter nerveusement sur le pare-brise. Je fixais la route que Parker avait prise pour s’éloigner, plein d’espoir et d’angoisse.

Ce ne fut qu’une demi heure plus tard qu’elle apparut enfin, marchant droit vers moi. Physiquement, elle avait l’air aller parfaitement bien. Psychologiquement, elle semblait très secouée, désorientée. Je remarquai aussi qu’elle n’avait plus les rouleaux avec elle. Je m’avançai précipitamment, sentant qu’elle était sur le point de s’effondrer.
“Parker, Parker ça va ?’’, m’inquiétai-je en la prenant dans mes bras.

“Tu… Tu ne vas pas y croire Jarod…’’, me dit-elle d’une voix tremblante.

“Quoi ? Que s’est-il passé ?’’, m’enquis-je, de plus en plus préoccupé.

“Les Africains !! L’obéissance !!’’, l’interrompit Angelo, mais elle hocha la tête.

“Oui, ils… ils m’écoutent Jarod ! Je peux leur demander ce que je veux !’’ s’exclama Parker en reprenant des couleurs.

Je la conduisis jusqu’au rebord en pierre pour qu’elle s’assît et reprenne ses esprits. Elle apposa ses deux mains sur mes joues, me regardant droit dans les yeux. Les siens étaient… indescriptibles. Je pouvais y lire tant de choses. De la fierté, de la peur, de la joie… Toute une palette d’émotions qui se mélangeaient les unes aux autres et coloraient ses iris de mille nuances nacrées. Ses yeux étaient tout simplement d’une beauté irréelle.

“Ils sont sous mes ordres, comme hypnotisés par ma voix, même Lyle ne parvient pas à y résister, c’est incroyable ! Je peux les commander à ma guise, leur imposer n’importe quel ordre, ils s’exécuteront… C’est extraordinaire !’’, ma racontait-elle, n’y croyant pas elle-même.

“Ils sont en quelque sorte tes esclaves tu veux dire ?’’, m’étonnai-je en fronçant les sourcils pour lui montrer mon scepticisme.

“Oui, enfin non, je ne sais pas. Viens avec moi, tu ne risques plus rien.’’, me promit-elle en empoignant mon bras. “Si tu savais, j’avais toujours rêvé de pouvoir détourner tout ça, leurs activités, de pouvoir insuffler une nouvelle ligne de conduite à tous ces Zoulous et autres montres du Centre. Et mes vœux se sont enfin réalisés ! Viens !’’, me confia-t-elle en m’attirant plus près d’elle. “On y est parvenus Jarod, on a réussi !’’, se réjouit-elle encore avant de m’embrasser… fougueusement.

Elle faillit d’ailleurs m’étouffer mais s’arrêta à temps pour m’emmener jusque dans la Maison du Diable. Ou plutôt, d’après ses dires, dans ce nouveau Paradis. Je lui faisais entièrement confiance, mais j’appréhendais ce moment. Ce retournement de situation était pour le moins surprenant, effrayant même. Jetant un coup d’œil sur Angelo qui nous suivait de loin, je me laissai entraîner par Parker, priant pour qu’il ne nous arrive rien.

***

Je restai muet devant ce spectacle étourdissant. Parker avait dit vrai, ils se soumettaient à sa volonté sans rechigner une seconde. C’était à peine s’ils se retenaient de lui faire la révérence. J’avais l’impression de nager en plein rêve. Mais, même en songe, jamais je n’avais imaginé une telle dévotion, une telle transformation des comportements. C’était hallucinant : Lyle qui se souciait du bien être de sa sœur ou du mien –fait encore plus étrange, les Africains qui veillaient au respect des ordres de Parker. C’étaient eux qui avaient instauré ce climat de soumission, aux dépends de l’Homme sans pouce qui semblait quelque peu agacé.

Parker était comme la Reine régissant son royaume, ou plutôt la Déesse maîtrisant les hommes et les éléments. Il n’y avait pas de mots pour décrire ce que je voyais, ce n’était pas ‘normal’. Dans le sens ou rien ne paraissait naturel, tout était hors normes. Je n’en croyais mes yeux.

“Parker… Où vas-tu ?’’, lui demandai-je en la suivant.

“Oh, mais c’est vrai ça, tu n’as jamais eu l’occasion de visiter mon bureau !’’, réalisa-t-elle en m’adressant un sublime sourire.

“Oui, jusque là, ça ne me dérangeait pas si tu veux tout savoir.’’, lui avouai-je en me détendant peu à peu.

“Alors sois le bienvenu…’’, me dit-elle en ouvrant la porte et s’écartant pour que je passe le premier.

“Hum…’’

“Quoi ? Qu’est-ce qu’il y a ?’’, s’inquiéta-t-elle devant ma réaction.

“Il est exactement comme je l’imaginais, c’est tout.’’

“C'est-à-dire ?’’ me questionna-t-elle, se ravisant rapidement. “Non, en fait, je crois que je ne veux même pas le savoir.’’

“C’est juste qu’il reflète toute ta classe et ton élégance mais aussi les zones d’ombre de ta vie.’’, jugeai-je en faisant glisser mes doigts sur la table en verre. “Je peux ?’’, fis-je en désignant son fauteuil.

“Mais, tu fais comme chez toi !’’, me lança-t-elle en venant vers moi.

Je pris place au creux de ce cuir noir qui la représentait tant, observant les photos qui décoraient son bureau. Sa mère et elle quand elle était encore bébé, elle et son père. Toujours aussi belle, où qu’elle soit, quoi qu’elle porte. Soudain je sentis une main dans ma nuque et quelqu’un s’installer sur mes genoux. Si on m’avait dit un jour que je me retrouverais dans ce bureau en compagnie d’une Parker aussi… détendue.

“Je ne l’ai encore jamais fait au bureau…’’, me susurra-t-elle à l’oreille, ce qui eut le don de me crisper légèrement.

“Euh… Les caméras, ce n’est pas trop mon truc tu sais…’’, lui murmurai-je en désignant son plafond.

“Oh ça, ce n’est pas un problème.’’, m’annonça-t-elle en décrochant son téléphone. “Faites venir Sam dans mon bureau !’’

Je ne disais pas un mot, c’était si troublant de se trouver dans cette situation, comme si tout s’inversait. Moi, au Centre, Parker, sur mes genoux et en train de… de m’embrasser dans le cou avec… Hum… Non, décidément, même dans mes rêves ce n’était pas aussi fantastique et… agréable.
La porte s’ouvrit dans un grand fracas et laissa apparaître Sam, tout essoufflé. L’espace d’un instant, je crus avoir affaire à Broots. Il resta droit comme un piquet, attendant ses ordres.

“Veuillez retirer toutes les caméras de mon bureau Sam. Et… si jamais vous en oubliez une seule, vous feriez mieux de prendre vos jambes à votre cou et de courir très, très loin d’ici. Car sinon, votre cadavre risquerait de sentir fort quand on vous retrouvera. A supposer qu’on vous retrouve un jour !’’, précisa-t-elle en lui faisant un clin d’œil explicite.

“Oui mademoiselle, tout de suite.’’

Et en quelques minutes, il nous débarrassa de la demi douzaine de caméras dissimulées dans la pièce et quitta les lieux à toute vitesse. Il était vrai qu’à certains moments, j’adorais cette facette de Parker, celle à laquelle tout le monde obéit sans broncher. Mais il y en avait une autre que j’appréciais particulièrement, il s’agissait de cet insatiable besoin de déboutonner ma chemise et de… Oui, cette facette était vraiment très sympathique…

***

“Mlle Parker est-ce que vous allez bien ?!’’, s’écria Broots en faisant irruption dans le bureau, tout affolé.

“Hum…’’, je m’étais éclairci la gorge en tournant la tête vers lui, lui indiquant la porte des yeux avec insistance.

“OOOHHH !!!! Je suis désolé !! Je suis désolé !!’’, bafouilla-t-il alors en nous apercevant nous rhabiller.

Je m’étais vite glissé entre son regard et Parker qui se trouvait encore en sous-vêtements. Même dévêtue, elle était prête à lui bondir dessus pour l’étriper. J’enfilai ma chemise puis sortis de la pièce, quelque peu gêné par la tournure qu’avaient pris les évènements.

“Jarod ! Tu vas bien ?’’, m’interrogèrent Margaret et Emily une fois dans le couloir.

“Oui, oui, tout est… parfait.’’, les rassurai-je, mal à l’aise.

“Et Mlle Parker ?’’, me questionna Sydney à son tour.

Je compris, d’après le ton de sa voix, que Broots s’était empressé de lui faire un rapport détaillé de la scène à laquelle il avait assisté. Ce fut le moment que choisit Parker pour apparaître dans mon dos, refermant le dernier bouton de son chemisier bordeaux. Evidemment, elle se doutait que tout le Centre devait déjà être au courant de notre relation alors ne cherchait même plus à se cacher.

“On peut savoir comment vous êtes entrés ?’’, s’énerva-t-elle légèrement.

“Ethan nous a informés que vous vous rendiez au Centre alors nous avons décidé de venir et d’attendre dans les alentours, au cas où. Et puis Angelo est arrivé, nous annonçant que l’on devait le suivre, alors nous voici.’’, expliqua posément Sydney, nous observant attentivement.

“Et personne ne vous a posé de questions ?’’, m’étonnai-je cependant.

“C’est justement ce qui nous a surpris, on nous dévisageait mais sans pour autant nous interpeller. C’est incroyable comme les choses ont changé !’’, remarqua Broots en regardant les gens qui passaient dans les couloirs ou attendaient l’ascenseur.

“Oui, et je compte bien m’en servir à notre avantage.’’, affirma Parker en passant son bras dans le bas de mon dos.

“Vous avez déjà une idée ?’’, s’enquit Emily, de plus en plus intéressée par cet environnement insolite.

“Hum… Possible.’’, fit-elle en haussant les épaules, l’air de rien, alors que je savais pertinemment qu’elle avait déjà des projets précis en tête.

Je croisai le regard amusé de Sydney qui ne cessait d’analyser la moindre de nos réactions. Une question émergea alors dans mon esprit, sans que je sache qui avait soudainement éveillé ma curiosité. Mais ce qui se produit me coupa le souffle.

“Oui Jarod, les rouleaux sont à la place qu’ils étaient sensés occuper depuis bien longtemps !’’, assura Parker sous mon regard ébahi.

“Les rouleaux ?’’, répétai-je, troublé. “Mais comment as-tu su que j’allais te poser cette question ?’’

“Oh ! Alors c’est vrai ? Vous pouvez lire dans les pensées ?’’, s’émerveilla Debbie, bouche bée.

“Et bien je crois que… que oui…’’, hésita Parker, haussant les sourcils. “Sydney, j’aimerais vous parler s’il vous plaît.’’, demanda-t-elle ensuite en passant son bras sous le sien.

“Très bien, je vous suis.’’, fit-il en la suivant dans son bureau.

***

Je marchais à l’extérieur, dans les jardins du Centre, en compagnie de cette petite bande qui venait de se réunir. Je les observais discrètement, sans pouvoir effacer cet immense sourire de mon visage. Margaret et Emily discutaient tranquillement, se tenant par le bras car l’endroit leur était peu rassurant. Debbie et Gem semblaient s’entendre à merveille, tous les deux adolescents, ils avaient beaucoup de choses en commun. Ethan et Broots étaient à mes cotés et nous parlions de tous ces changements.

“Non mais je crois que le plus choquant, c’est de voir Lyle se soumettre à Mlle Parker. Si un jour j’avais un don comme celui-là, je crois que j’en profiterais pour lui faire payer tout le mal qu’il a fait autour de lui.’’, nous confia Broots en se grattant le dessus de la tête.

“Qu’est-ce qu’il a fait à part assassiner son propre enfant ?’’, s’étonna Ethan.

“Bah… Il a essayé de tuer Jarod et puis… Il fait des choses atroces avec des jeunes femmes asiatiques. Et puis, il a des goûts alimentaires plutôt répugnants, disons qu’il ne mange pas que des viandes d’origine animale si vous voyez ce que je veux dire.’’, lui expliqua-t-il en grimaçant.

“Quand nous étions dans la même pièces que lui, j’ai ressenti le mal qui émanait de lui. Je ne me sentais vraiment pas à l’aise, il est mauvais et ça se voit dans son regard.’’, acquiesça mon demi-frère en refreinant un frisson.

“Ce qui m’inquiète, c’est qu’il se mette aussi facilement et soudainement aux pieds de Parker, il n’avait pas spécialement l’air de croire aux parchemins.’’, murmurai-je en apercevant Lyle qui venait vers nous.

Il avait un regard sombre et marchait avec une détermination qui ne présageait rien de très bon. Lorsqu’il arriva à ma hauteur, il se précipita sur moi, saisissant ma chemise par le col et me plaquant contre le mur d’un des bâtiments.

“Parker a obtenu une immunité mais je crois pas qu’elle te sera profitable !’’, me menaça-t-il en m’étranglant davantage.

“Je croyais que tu lui devais obéissance…’’, parvins-je à prononcer.

“C’est ce que les Zoulous m’ont ordonné, au Centre, mais dehors je ne suis pas sous leurs ordres. Je te préviens, Parker est ma sœur et je ne la partagerai pas alors surveille-toi parce que sinon…’’

“Sinon quoi ? Tu me feras la peau ? Réfléchis un peu Lyle, si tu fais ça, les Zoulous voudront s’occuper de ton cas mais Parker, elle, elle t’achèvera sans aucune pitié.’’, lui rétorquai-je en le repoussant violement.

“Elle m’appartient tu entends ! Elle m’appartient et jamais tu ne pourras détruire le lien unique qui nous unit !’’, s’exclama Lyle en s’éloignant, désignant son torse pour souligner le sens de ses paroles.

“Jarod, mon frère, ça va ?’’, se préoccupa Ethan en venant vers moi.

“Il n’y a aucun problème, tout est parfait.’’, les rassurai-je, sans quitter Lyle des yeux.

“Un lien unique, j’ai déjà entendu ça quelque part…’’, affirma Parker en s’approchant, accompagnée de Sydney.

“Parker ?’’

“Est-ce que tu vas bien ? Il ne t’a pas fait mal au moins ?’’, s’enquit-elle en inspectant mon cou, avec une douceur toujours surprenante venant d’elle.

“Oui, ne t’en fais pas, je suis un dur à cuir !’’, lui dis-je en enserrant sa taille pour la coller contre moi.

Parker sourit simplement alors que les autres se réunissaient plus loin. Elle passa ses bras derrière ma nuque et m’embrassa tendrement. Je fermai les yeux, profitant de tous ces moments au maximum. Elle s’éclaircit ensuite la gorge, ce qui voulait dire qu’elle allait me parler de quelque chose d’important. Je lui accordai toute mon attention pendant qu’elle dévisageait Sydney.

“Qu’y a-t-il Parker ?’’, je me ravisai, me souvenant de ses paroles concernant la manière de l’appeler. “Je ne sais plus comment t’appeler…’’

“Moi non plus, quel nom est le mien, quel prénom… Je crois que je m’en moque en fin de compte.’’, m’avoua-t-elle en baissant la tête.

“Non, ne dis pas ça, j’ai passé des années sans connaître le mien et…’’, elle avait apposé son index sur mes lèvres, m’obligeant à me taire.

“Aujourd’hui tu as le choix : Glasser comme ta mère biologique ou...’’, elle se tut, réalisant que nous ne connaissions pas le nom de famille de ma mère.

“Maman ?’’, l’interpellai-je, me rendant compte que je n’avais même pas pensé à lui poser la question.

“Oui Jarod ?’’, elle s’approcha, attentive à ma requête, inquiète aussi, peut-être…

“Quel est mon nom de famille ?’’

Elle sourit puis s’avança pour prendre ma main et l’enfermer dans les siennes. Elle leva ensuite sur moi des yeux presque brillants de larmes. Finalement, elle ravala sa salive et ses lèvres s’étirèrent de nouveau.

“Je m’appelle Margaret Unveil.’’, répondit-elle avec une simplicité déconcertante.

Dire que j’avais la réponse sous le nez depuis plusieurs heures et que je ne la lui avais même pas demandée. Je restai muet un instant, répétant ce nom intérieurement pour réussir à me l’approprier. C’était si étrange de découvrir son identité en étant déjà un adulte.

Je sentis la main de Parker se refermer son mon épaule alors de nouveau, je me tournai pour me serrer contre elle. C’était le seul moyen pour moi d’être bien, calme et apaisé totalement. Et puis tout à coup, je me rappelai qu’elle était sur le point de me dire quelque chose lorsque nous avions dévié sur le sujet de nos noms et prénoms.

“Tu voulais me parler, non ?’’, la questionnai-je alors qu’elle plongeait déjà son regard dans le mien. “J’ai… une nouvelle à t’annoncer.’’, commença-t-elle avec hésitation.

“Je t’écoute, que se passe-t-il ?’’

“Et bien, comme je suis devenue -un peu par obligation- la nouvelle directrice du Centre… J’ai décidé de… De tout abandonner.’’

“Quoi ?’’, pour une surprise, elle était plutôt soudaine.

“Je ne veux pas me retrouver à la tête de cette entreprise, même si c’est pour la rendre honnête et légale. Je veux quitter ce monde et…’’

“Et ?’’, questionnai-je avec un soupçon d’appréhension.

“Et j’ai demandé à Sydney s’il serait d’accord pour prendre le relais.’’

“Sydney ? Oui, c’est un très bon choix mais…’’

“Oui, je sais, ce n’est pas l’Elu du Centre mais je vais me débarrasser de tous les employés véreux et je dicterai la ligne de conduite à tenir. Ensuite, si jamais il y a le moindre problème, je le règlerai avant même que Sydney ait décroché le téléphone.’’, certifia-t-elle avec une fermeté déstabilisante.

Je souris, retrouvant son caractère fort et déterminé que j’aimais tant. Je déposai ensuite un baiser sur son front avant qu’elle ne s’écarte légèrement.

“Je vais juste chercher ma veste dans mon bureau et je veux que tu m’emmène très loin.’’, me dit-elle d’une voix presque suppliante.

Je hochai la tête puis la regardai s’éloigner un instant, j’avais une incroyable impression de plénitude. Je ne m’étais jamais senti rassuré, confiant et… amoureux. Elle était tout pour moi et m’apportait tellement, jamais plus je ne pourrais me séparer d’elle, c’était tout à fait impossible désormais. Je me décidai à rejoindre le reste du groupe qui discutait tranquillement à l’écart.

***

“Jarod !’’

Tous nos regards convergèrent sur l’endroit d’où provenait cette voix légèrement étranglée. Et tout à coup, une vague d’effroi s’empara de nous comme le souffle du vent pouvait renverser une rangée d’arbres. Nous restâmes silencieux, observant avec angoisse les évènements qui se déroulaient sous nos yeux.

“Mais qu’est-ce que…’’, parvins-je à murmurer.

“Oh mon Dieu !’’, s’exclama ma mère, serrant ses mains sous son menton.

“Mlle… Parker…’’, articula Broots en empoignant la main de sa fille.

Je m’avançai doucement, serrant les poings jusqu'à m’en écorcher les paumes. Ma mâchoire me faisait également souffrir car je savais pertinemment que si je la relâchais, ce serait pour prononcer des paroles que je détestais entendre.

“Surprise !’’, lança Lyle, pressant son arme sur la tempe de sa propre sœur jumelle. “J’adore regarder des rediffusions, pas toi ?’’, me nargua-t-il en caressant la joue de Parker à l’aide du canon de son revolver.

Je réprimai un frisson, pourquoi l’avais-je laissée seule ? Ne serait-ce qu’une seconde ? Parker ne me quittait pas des yeux, je voyais bien qu’elle cherchait une solution. Mais cette fois-ci, Lyle n’était pas blessé au ventre et de plus, son pistolet était dirigé sur elle, pas sur moi… ou Kyle.

“Alors le p’tit Génie ? On devient muet tout à coup ? Je t’avais pourtant prévenu, si je ne peux pas avoir Parker, personne ne l’aura. C’est ma sœur et elle m’appartient.’’, me répéta-t-il avec un éclair de haine dans le regard.

“Lyle, qu’attendez-vous de nous exactement ?’’, questionna Sydney pour me permettre de retrouver mon calme.

“C’est très simple, vous allez voir. JE VEUX QUE VOUS DISPARAISSIEZ DE NOS VIES !!! Je veux que ma sœur et moi dirigions tous deux le Centre. Raines a essayé de se débarrasser de l’Elue pour garder le contrôle de son Empire, mais Parker a tout découvert avant qu’il ne puisse y faire quoi que ce soit.’’, expliqua-t-il en respirant le parfum de sa jumelle qu’il serrait contre lui. “Si j’ai tué mon fils, c’était pour être sûr que Parker accède au pouvoir sans aucun problème. Tout s’est déroulé à merveille…’’, ajouta-t-il en continuant son manège répugnant.

“Jamais je ne dirigerai le Centre avec toi Lyle et jamais je ne t’appartiendrai !’’, cria Parker en remuant violement, essayant de se défaire de son emprise, en vain.

“Mais je ne te demande pas ton avis soeurette.’’, susurra-t-il à son oreille, ce qui me donna la nausée.

“Arrête de m’appeler comme ça abruti ! Je t’ai déjà dit que j’étais née avant toi !’’, hurla-t-elle de plus belle, comme si elle ne se rendait pas compte du danger que pouvait représenter son frère.

“Allez, tire-toi Jarod ou je tue tout ce joli p’tit monde !’’, m’ordonna-t-il encore, chargeant son arme et posant son doigt sur la détente pour donner plus de valeur à ses dires. “Dépêche-toi Jarod, tu sais, j’aurais le temps d’en liquider deux ou trois avant que nous ne disparaissiez de mon champ de vision. A toi de voir…’’

“Reculez tous, allez vous mettre à l’abri.’’, conseillai-je alors à tous ceux qui se trouvaient encore derrière moi.

“Mais et toi Jarod ?’’, s’inquiéta Emily.

“Ca va aller, occupe-toi de maman s’il te plaît.’’, insistai-je sans trop savoir encore comment j’allais m’y prendre pour sortir Parker de ce guêpier.

Je tournai de nouveau la tête vers Lyle lorsque tout le monde fut parti, réfléchissant à un moyen de remédier à la situation.

“Très bien, tu ne veux pas nous laisser seuls ? Alors moi je vais tout simplifier !’’, annonça-t-il en tendant son arme vers moi.

Instinctivement je levai les mains en l’air devant moi, pour me protéger, ou du moins faire illusion. J’aperçus Parker qui tenta de le frapper mais un coup de feu finit par résonner dans le petit parc. Je me redressai, inspectant mon corps pour voir si j’étais toujours entier, puis me précipitai sur Parker qui gisait sur le sol. Je posai la main sur son épaule et elle me fit un large sourire en guise de réponse. Jamais je ne m’étais senti aussi rapidement rassuré auparavant !

Je tournai alors les yeux vers Lyle qui se vidait de son sang sur l’herbe verte fraîchement tondue. Mais que s’était-il passé au juste ? Je tendis la main pour aider Parker à se redresser, pendant que le reste du groupe courait vers nous, soulagé de nous voir debout. C’est alors que nous pivotâmes dans le sens inverse pour apercevoir notre… sauveur.

“Vous ?’’, s’étonna Parker en avançant vers le grand homme.

Je l’imitai pour lui serrer la main, toujours quelque peu déphasé. En l’espace d’une seconde, je repassai le fil de tous les évènements dans ma tête, essayant de trouver une explication plausible. Mais rien ne me permit de comprendre réellement.

“Vous n’étiez pas sensé être…’’

“Vous avez simulé votre mort !’’, s’exclama Parker, son visage s’illuminant davantage encore.

“En effé, si je ne l’avé pas fé, mé collègues s’en sewaient chawgés volontiers apwès cet’ twahison.’’, nous affirma-t-il en rengainant son arme.

“Euh… Bonjour…’’, fit Broots en arrivant à notre hauteur.

“Oh, Sydney, Broots, et… tous les autres… Je vous présente Eldumba, il nous a aidés à trouver des renseignements sur les origines et la nature des rouleaux. Il était jusqu’à il y a quelques jours à la tête du Triumvirat.’’, les informa Parker alors que Broots restait bouche bée.

“Eldumba, je ne sais pas comment vous remercier… Si vous n’étiez pas arrivé je crois que, je ne serais plus là pour vous dire tout ça !’’, lui dis-je en passant mon bras dans le dos de Parker.

“Je vois que tout s’é éclaiwci pouw vous, j’ai appwis que vous étiez l’Elue.’’

“Oui, aussi fou que cela puisse paraître !’’, lança Parker, n’y croyant toujours pas réellement. “Dites-moi, ça vous dirait un emploi dans le « Deuleuweuw » ?’’, questionna-t-elle en souriant encore et toujours.

“Et bien… Pouwquoi pas ?’’, répondit-il sans trop savoir à quoi elle faisait allusion.

“Je voudrais que vous et Sydney vous associez pour gérer convenablement cet établissement et en faire… un endroit paisible et parfaitement légal.’’, expliqua-t-elle en appuyant sa tête contre mon épaule.

“Ce sewait un honneuw Mlle Pawkew’’, fit-il simplement en inclinant le haut du corps en signe d’acceptation.

***

Parker ferma la portière après avoir embrassé Sydney, Broots, Debbie et Angelo. Elle avait également salué Eldumba à qui elle avait donné toutes sortes de recommandations concernant le Centre et sa nouvelle gestion.

A l’arrière du véhicule, Maman, Emily et Gem attendaient tranquillement en bavardant, comme n’importe qu’elle famille le ferait à la veille d’un déménagement.

“Dis-moi, tu ne m’a toujours pas dit la destination Jarod…’’, soupira Parker alors que je démarrais le moteur.

“Oui, et tu ne la découvriras que lorsque nous y serons.’’, lui affirmai-je en tournant sur ma gauche.

“Je sais comment te faire craquer, tu verras, tu avoueras…’’
Elle semblait bien sûre d’elle mais pourtant, je résistais déjà depuis plus de deux mois à ses questions incessantes. J’espérais simplement ne pas céder durant le trajet, ce qui était déjà moins sûr.

“Tu sais quoi, j’ai réfléchi à quelque chose…’’, commença-t-elle, changeant visiblement de sujet, à mon plus grand bonheur , je lui accordai mon attention en m’arrêtant au feu rouge.

“Et bien, pour mon prénom, je veux bien m’appeler Théia, même si ce nom est totalement… étrange.’’

J’acquiesçais en silence, sachant que nous étions tous sur la bonne voie. Nous allions débuter une nouvelle vie, bien plus normale que n’importe quel terrien !

“Et pour le nom de famille, je pourrais changer aussi, tu ne penses pas ?’’, questionna-t-elle d’un air innocent.

“Oui, je trouve aussi. Théia Unveil, ça sonne bien, vous ne trouvez pas ?’’, demandais-je en jetant un œil dans le rétroviseur.

A l’arrière, tous les trois se mirent à sourire bêtement, de la même manière que moi à en voir la tête de Parker… de la future Mme Unveil.

“En tout cas, j’ai hâte de pouvoir faire des balades à cheval, au bord de la mer et d’observer de magnifiques couchers de soleil…’’, murmura-elle soudain.

“Euh… Comment sais-tu qu’il y aura la mer ?’’, l’interrogeai-je en réalisant qu’elle me menait en bateau depuis plusieurs semaines. “Oh ! Tu sais déjà où on va depuis le début !’’, m’exclamai-je, quelque peu vexé.

“La Lousiane, merveilleuse destination.’’, jugea-t-elle en riant. “Tu lis en moi comme dans un livre ouvert, il n’y a pas de raison que je ne profite pas de mes dons pour en faire autant !’’, se moqua-t-elle de plus belle.

“Oh mais il n’y a pas que dans ton regard que je peux découvrir des choses…’’, lui affirmai-je sur un ton lourd de sous-entendus.

“Quoi ?’’, s’étonna-t-elle.

A l’arrière, tous les trois suivaient avec beaucoup d’attention le fil de notre conversation, n’en manquant pas un mot. Tous savaient déjà ce à quoi j’étais sur le point de faire allusion et n’attendaient que sa réaction.

“Disons que ton ventre parle pour toi en ce moment.’’, dis-je simplement.

Elle baissa les yeux une seconde pour s’observer puis arbora le plus magnifique sourire que je n’avais jamais vu de ma vie. Une vie des plus simples s’offrait maintenant à nous, il ne restait plus qu’à en profiter au maximum.

FIN

Je suis reviewphile donc si ça vous dit de me donner votre avis sur cette fanfic, je suis pour!! Qu'il soit positif ou négatif, faut bien connaître ses défauts pour les améliorer!!









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